Archives du mot-clé pouvoir

Boubou Cissé au cœur d’un troc entre Bamako et Abidjan

Les nouvelles autorités maliennes ont lancé la traque contre plusieurs personnalités sous la Présidence de l’ancien chef de l’Etat Ibrahim Boubacar Keïta. L’arrestation à Paris suivi de la relaxe de Moustapha Ben Barka, vice-président de la BOAD, en dit long sur les objectifs de la junte au pouvoir. Aujourd’hui, Bamako est prêt à faire un troc inédit. Lequel et pourquoi ?

Il ne fait plus aucun doute, c’est une véritable chasse à l’homme lancée par le gouvernement de la Transition malienne, dirigé par le colonel Assimi Goïta. L’arrestation du vice-président de la BOAD (Banque ouest africaine de développement) est venue confirmer ce que tout le monde savait et redoutait. Alors qu’il transitait par l’aéroport Paris-Charles de Gaulle, l’ancien secrétaire général de la Présidence malienne, a été interpellé par la police française.

Libération très espérée du reste du groupe des 49 soldats

Moustapha Ben Barka, dans le viseur d’Interpol à la demande de la justice malienne, devait se rendre en mission en Corée du Sud. Après plusieurs heures de rétention, le vice-président de la Banque ouest-africaine de Développement a été relâché. La France n’ayant pas reçues de garanties de la part des autorités maliennes que ses droits seront respectés. Cette affaire intervient après un autre incident : celui des 49 soldats avec des développements récents.

En effet, la semaine passée, la junte malienne a lié la libération de 46 soldats ivoiriens restés en détention au Mali à l’extradition de personnalités maliennes vivant en Côte d’Ivoire et «faisant l’objet de mandats d’arrêt internationaux». Alors que Bamako avait libéré trois soldates parmi les 49 arrêtés le 10 juillet et accusés par les nouvelles autorités d’être des mercenaires, la libération du reste du groupe était espérée comme une suite logique.

Boubou Cissé ou rien ?

Ce qui n’a pas été le cas puisque Assimi Goïta veut qu’Alassane Ouattara lui livre les responsables maliens sous le régime Ibrahim Boubacar Keita (IBK) qui ont trouvé refuge en Côte d’Ivoire. Parmi eux, Karim Keïta, fils de l’ancien Président, Tiéman Hubert Coulibaly, ministre de la Défense et des Affaires étrangère sous IBK. Mais aussi et surtout, Boubou Cissé, dernier Premier ministre de l’ancien Président, qui a par ailleurs été ministre des Finances entre 2016 et 2019.

S’il est poursuivi depuis le 25 juillet dans l’affaire des équipements militaires, il faut reconnaître que Boubou Cissé reste l’un des Maliens les plus recherchés et sur qui la junte militaire voudrait mettre la main pour la simple raison qu’il est considérée comme la taupe du Président Ouattara. D’ailleurs, il a été diffusé un enregistrement audio dans lequel deux personnes, identifiées comme Ouattara et Cissé, échangeaient sur les sanctions infligées au Mali. Bamako fait des pieds et des mains pour obtenir la tête de Boubou Cissé.

SOURCE: Afrik.com

Élections législatives au Sénégal : Une opposition plus renforcée et une coalition au pouvoir loin de la résignation !

Les résultats provisoires viennent d’être livrés par la commission nationale de recensement des votes siégeant à la cour d’appel de Dakar. Le magistrat Ciré Aly Ba et les autres membres de la commission après quelques jours de travaux, ont donné les suffrages et sièges revenant à chacune des 8 coalitions qui étaient en lice pour ces élections législatives. Mais également, les noms des futurs parlementaires sont connus avec de nouvelles têtes et certains de la précédente législature qui reviennent.

Pour la coalition Benno Bokk Yakaar c’est évidemment Aminata Touré qui est secondée de Amadou Ba, Aïssatou Sow, Abdoulaye Diouf Sarr, Mariama Sarr, Abdoulaye Baldé, Aminata Guèye de la région de Saint-Louis, Cheikh Tidiane Gadio, Sokhna Dieng, Mouhamdou Ngom, plus connu sous le nom de Farba Ngom, Ndèye Lucie Cissé, Nicolas Ndiaye, Sira Ndiaye de Mbour qui faisait aussi partie de la précédente législature, Demba Diop, Mariétou Dieng, Abdou Mbow vice-président dans la 13e législature, Mame Guèye Diop, Seydou Diouf, Aminata Dia, Cheikh Abdoul Ahad Mbacké, Adji Diarra Mbergane Kanouté, Cheikh Seck,  Ndèye Fatou Guissé, Malick Diop et Yéya Diallo qui boucle la liste des 25 députés de Benno sur la proportionnelle.

Pour la liste majoritaire : Malick Fall et Fatou Diané seront à Diourbel, Karim Sène et Mame Fatou Ndiaye à Fatick, Seydou Dianko et Adama Boukounta Dior à Foundiougne, Adama Diallo à Gossas, à Mbirkilane Néery Loum, à Kaffrine, Abdoulaye Seydou Sow est secondée par Amy Ndiaye Gnibi qui faisait partie de la précédente législature, à Koungheul, il y aura Mouhamed Dieng et Fanta Sall, à Maleh Hoddar, Aly Ndao, à Guinguinéo, Mandiaye Kébé, à Kaolack, Pape Mademba Bitèye et Astou Ndiaye, à Nioro du Rip, Aly Mané et Soukèye Ba,  Ousmane Sylla à Kédougou, Moussa Souaré à Salémata, à Kolda, Idrissa Baldé et Khadidiatou Thiam, à Médina Yoro Foula, Mamadou Cissé et Khady Ndiaye, à Vélingara deux parlementaires de la précédente législature que sont Mamadou Woury Diallo et Amy Diao, Aly Ngouille Ndiaye et Aniyeu Mbengue, Thioro Fall Ndiaye et Demba Ka à Louga, à Kanel, Daouda Dia et Racky Diallo, Kalidou Diallo et Ramata Seydou Mbodj à Matam, Aliou Dembourou Sow à Ranérou, Amadou Mame Diop et Sokhna Mbodj à Dagana, Abdoulaye Daouda Diallo et Yetta Sow à Podor, à Bounkiling Oumar Souané Cissé et Khardiata Diol, à Bakel Ibrahima Baba Sall et Amy Yaya Diallo, à Goudiry, Djimmo Souaré, à Koumpentoum El Ibrahima Ndiaye et Téning Diao, à Tamba, Bilali Ba et Awa Diagne, à Mbour, Oumar Youm, Yacine Ndao, Oumar Sy et Madeleine Ndour. Pour l’Afrique de l’Ouest, Dial Sané, Ibrahima Sakho, Aminata Ndao, Afrique du centre, Sokhna Ba, Barane Fofana.
La coalition Les Serviteurs/ MPR, un seul élu, la tête de liste nationale, Pape Djibril Fall.

Pour la coalition Wallu Sénégal au scrutin proportionnel nous avons au total 8 élus : Abdoulaye Wade, Rokhaya Diouf, Mamadou Lamine Thiam, Woré Sarr, Mamadou Lamine Diallo, Abdoulaye Diop et Aïssatou Diallo.

À Pikine, nous avons, Ndiaga Niang, Mame Diarra Fam, Cheikh Aliou Bèye, Fatou Guèye, Moussa Fall. À Mbacké, nous avons : Cheikh Abdou Mbacké, Sokhna Astou Mbacké, Cheikh Thioro Mbacké, Fatma Mbodj et Serigne Abdou Mbacké Ndao. À Saraya, Mady Danfakha, à Kébémer, Ousmane Thiam et Maïmouna Sow, En Europe du Sud, Aliou Guèye, Mame Bousso Guèye et Abdou Diallo.

Pour la coalition Yewwi Askan Wi, sur la liste proportionnelle, voici les députés qui seront à l’hémicycle : Oumar Sy, Daba Wagane, Malick Kébé, Awa Diène, Samba Diang, Fatou Sagna, Bassirou Goudiaby, Rokhy Ndiaye, Sanou Dione, Aminata Dieng, Assane Diop, Syra Ndoye Sall, Mamadou Niang, Ramatoulaye Bodian, Thierno Diop,  Sokhna Ba et Ismaïla Diallo.

Barthélemy Dias ouvre la liste majoritaire suivi de Fatou Ba, Babacar Mbengue, Ndialou Bathily, Abass Fall, Ndèye Yacine Ngouda Diène et Serigne Mbacké Abo Thiam. À Guédiawaye, le maire Ahmed Aïdara vient en tête,  suivi de Rama Cissokho. À Keur Massar, Fatou Sow et Bara Gaye, à Rufisque, Oumar Cissé et Rokhaya Diop, à Bambey, Mame Saye Ndiaye et Abdou Dieng. À saint Louis, c’est le tombeur de Mansour Faye, Babacar Abba Mbaye qui est suivi de Anta Gaye. À Goudomp, c’est Chérif Ahmed Dicko et Fatoumata Dabo. À Sédhiou, nous avons Mohamed Shaid Daffé, Nafy Fofana. À Thiès,  c’est Biram Souley Diop, Arame Ndiaye, Alassane Ndoye, Lémou Touré Ndiaye. À Tivaouane, nous avons Fatou Gaye et Massata Samb, Bignona Bakary Diédhiou et Gnima Goudiaby. Oussouye, Alfonse Mané Sambou, Ziguinchor, Guy Marius Sagna et Oulimata Sidibé. En Afrique Australe, Yewwi aura Lamine Faye, en Afrique du Nord, Mouhamadou Mansour Kébé. En Amérique et Océanie, Aïcha Touré, Asie et Moyen Orient, Gora Ndoye, Europe de l’Ouest du Centre et du Nord, Alioune Sall, Ndèye S. Diop et Alioune Diop.

La coalition Bokk Gis Gis et Aar Sénégal obtiennent chacune un député que sont leurs têtes de liste : Pape Diop et Thierno Alassane Sall. Les coalitions Natangué Askan Wi et Bunt Bi n’ont pas obtenu de députés.

Dans cette longue liste qui officialise les noms des nouveaux parlementaires de la 14e législature, rappelons que plusieurs nouvelles intégrations ont été notées de part et d’autres avec une opposition qui se renforce avec un nombre de sièges beaucoup plus consistant que celui des législatures précédentes. La position des autres coalitions avec chacune, un siège et le poids de la coalition Wallu Sénégal, pourraient jouer sur la survie des deux grandes coalitions plus représentatives. Ce qui veut dire que cette assemblée nationale 2022-2027 s’annonce épique.

Source : DAKARACTU.COM

LE M5-RFP DE L’ESPOIR A LA DÉSILLUSION : La lutte unit mais le pouvoir divise

Le Mouvement du 5 juin Rassemblement des Forces Patriotiques (M5-RFP) composés des partis politiques et d’associations de la société civile, a été un mouvement insurrectionnel qui a combattu le régime IBK jusqu’à sa chute.  Bien que composés d’anciens caciques du même régime, il a pu rallier à sa cause   une frange importante du peuple sur la base des revendications d’une gouvernance vertueuse où la corruption, la concussion, le népotisme, le clientélisme seront bannis dans notre pays. Leurs slogans ont eu d’échos favorables surtout dans un pays où les scandales étaient devenus le lot quotidien des gouvernants. IBK, Chassé du pouvoir comme un mal propre le 18 Août 2020, par une junte militaire venue parachevée la gigantesque œuvre du mouvement du 5 juin, il, faut reconnaitre que les compagnons d’infortunes de l’ancien Président IBK rient aujourd’hui à gorge déployée en voyant le spectacle désolant auquel les adeptes du Mali Koura s’adonnent. Les pratiques malsaines reprochées au régime précédent sont légion sous la transition, pire le Mouvement du 5 juin est en lambeaux pour des conflits d’intérêts et surtout pour des égos surdimensionnés des uns et des ambitions démesurées des autres. A qui la faute de cette chienlit au sein du M5 RFP ? peut-on continuer à avoir confiance en un mouvement divisé en plusieurs morceaux ? Un PM qui n’a pas pu rassembler son mouvement peut-il faire autant de la classe politique et de la société civile ?

Le Mali est loin de sortir de l’auberge tant certaines pratiques ont la vie dure et les hommes de conviction sont devenus une denrée rare. Sinon comment comprendre qu’après avoir suscité l’espoir au sein du peuple, le mouvement du 5 juin a fini par se transformer en un monstre pour détruire tout ce qu’il a construit. Ses leaders sont à couteaux tirés et s’adonnent à cœur joie à des invectives et autres violences verbales ou physiques. Pour rappel la crise au sein du M5 RFP a débuté après la nomination de Choguel K Maïga comme Premier ministre. Comme toute bonne organisation, après la nomination de son leader à des postes de responsabilité il doit déléguer ses prérogatives, par ordre de préséance, à son adjoint. Malheureusement le PM a refusé de céder son fauteuil de président du Comité stratégique sous prétexte qu’il n y a ni incompatibilité, ni illégalité encore moins de cumul de fonctions. Ses camarades dont des anciens ministres ou premier ministre n’ont pas eu la même grille de lecture et pensent que Choguel K Maïga voudrait faire du M5 RFP un instrument politique pour assouvir ses ambitions.

Contre toute attente lors d’une réunion du Comité stratégique les opposants au PM sont pris à partie par des jeunes qui ont proféré des injures et menaces à l’égard des hautes personnalités qui ont eu à servir ce pays. Depuis cette réunion considérée comme celle du début de la crise au sein du M5 RFP, la tension ne faiblit pas entre les deux camps qui s’insultent via les réseaux sociaux.  Comme si cela ne suffisait pas la réunion du Comité stratégique qui en est suivie   a fini par donner raison à l’auteur de cette célèbre phrase :« le combat unit, mais le pouvoir divise », car c’est au cours de cette réunion présidée par le PM que le spectacle digne d’un film Hollywoodien s’est produit. Un membre du comité stratégique a été pris à partie par des jeunes conditionnés. Le film est tout simplement ahurissant, comme du temps de l’UDPM un membre du comité stratégique en froid avec le PM a été sommé de quitter la salle refusant d’obtempérer il a été évacué par la force sous escorte policière jusqu’à la porte comme un vulgaire malfrat. Pour protester contre ces pratiques malencontreuses certains membres du comité stratégique ont claqué à leur tour la porte et ont apporté leur soutien à la victime. La suite est connue c’est un jugement expéditif qui s’en est suivi comme il fallait s’y attendre la sentence a été lourde, voire démesurée, avec une suspension de 6 membres du Comité stratégique pour travail fractionnel et complicité avec le cerveau m. touré.  Au regard de ce qui précède ne pourrait-on pas affirmer que l’histoire a donné raison à Issa Kaou Djim qui a annoncé Urbi et Orbi la mort du M5 RFP ?

En définitive, le PM endosse l’entière responsabilité de la fracture du M5 RFP, lui qui aurait dû rassembler d’abord au sein de sa famille politique qui est supposée être le Mouvement du 5 juin, ensuite réunir la classe politique et la société civile autour des vastes chantiers des réformes. Désormais en brouille avec le M5 RFP et surtout avec l’ensemble de la classe politique malienne, en divorce avec la CEDEAO et la communauté internationale, en pas de tortue dans les réformes, que reste-t-il aujourd’hui au PM ?

Youssouf Sissoko

EXERCICE DEMOCRATIQUE DU POUVOIR : Des acteurs tirent sur «GMT» pour camoufler l’échec de la démocratie à combler les attentes suscitées par son avènement

L’Alliance pour la démocratie au Mali-Parti africain pour la solidarité et la justice (ADEMA-PASJ) a organisé samedi dernier (2 avril 2022) un panel de haut niveau sur les 31 ans de démocratie au Mali. Une très bonne initiative. Il est en effet réconfortant de constater que les acteurs du mouvement démocratique -très divisés ces dernières années par le partage du gâteau, pardon, par la conquête et l’exercice du pouvoir- peuvent encore se retrouver autour du bébé enfanté par leur lutte. Et cela même si certains orateurs sont visiblement passés à côté du sujet en continuant à déverser leur colère voire leur haine sur feu le Général Moussa Traoré (décédé le 15 septembre 2020 à Bamako à 84 ans après avoir dirigé le Mali du 19 novembre 1968 au 26 mars 1991). Visiblement, même mort, le Général continue encore de hanter certains démocrates.

«26 mars 91-26 mars 2022, 31 ans d’exercice démocratique : Où en sommes-nous ?» ! Tel était le thème principal du panel de haut niveau organisé samedi dernier (2 avril 2022) au CICB par le Comité exécutif de l’Adéma-Pasj. Un thème débattu par les principaux acteurs du mouvement démocratique de mars 1991 (Djiguiba Kéita dit PPR, Me Mountaga Tall, Pr. Ali Nouhoum Diallo, Pr. Tiémoko Sangaré, Pr. Bintou Sanankoua, Hadi Niangadou, Modibo Sidibé, Boubacar Alpha Bah dit Bill, Oumar Ibrahim Touré, Fatoumata Konté Doumbia, Pr. Salikou Sanogo; Dr Soumana Sacko, Adama Samassékou, Me Hamidou Diabaté, Tiébilé Dramé, Dr. Oumar Mariko, Mme Sy Kadiatou Sow, Dr. Chérif Cissé, Pr. Moustapha Dicko, Adama Tiémoko Diarra …). Une très bonne initiative avec un thème dont l’énoncé avait suscité beaucoup d’espoir. Sans tomber dans le procès (on voit mal ces acteurs organiser leur propre procès), on espérait un bilan sans complaisance des 31 ans d’exercice démocratique dans notre pays.

«Au lendemain du 26 mars, le pays comptait en tout 48 partis politiques dont seulement 10 avaient des élus. Aujourd’hui, on dénombre plus de 230 partis politiques dont seulement 20 peuvent se faire représenter à l’Assemblée nationale. Cela doit amener à se poser la question sur la pertinence de la classe politique», a pour sa part souligné Adama Tiémoko Diarra, cadre de l’Adéma-Pasj. Pour la battante Mme Sy Kadiatou Sow, cette prolifération des partis politiques est compréhensible dans la mesure où, a-t-elle indiqué, «la politique est considérée par le Malien lambda comme l’ascension sociale la plus rapide…».

Malheureusement, on n’a noté l’absence de la lucidité affichée par Me Tall et de la maturité politique de Mme Sy dans certaines interventions qui ont totalement tourné au règlement de comptes avec le régime de feu le Général Moussa Traoré. Et pourtant, selon le président de l’Adéma, M. Marimantia Diarra, l’objectif du panel était de donner la parole aux anciens du mouvement démocratique de mars 1991 afin qu’ils puissent jeter un regard critique sur ces 31 ans d’exercice démocratique au Mali, notamment évaluer les acquis, noter les insuffisances et dresse les perspectives. Mais, pour les Dr Soumana Sako et Oumar Mariko, ce fut une belle opportunité de régler les comptes.

Toujours hantés par feu le Général Moussa Traoré

Le président de Sadi a déversé sa bile sur le M5-RFP et les jeunes officiers qui ont pris le pouvoir le 18 août 2020 et qui continueraient à perpétuer les pratiques combattues par le mouvement démocratique sous le régime de «GMT» (Général Moussa Traoré». Sauf que le M5-RFP est aussi constitué en grande majorité d’acteurs du mouvement démocratique. Il n’y a alors rien de surprenant, comme l’a si bien reconnu Dr Mariko, que le M5-RFP ait été «frappé par la même maladie que celle de la lutte de 1991, c’est-à-dire que les réclamations du peuple ont été volées par les opportunistes» !

Pour le second, Dr Soumana Sako (ancien ministre des Finances du Général Moussa Traoré et Premier ministre de Transition  du 2 avril 1991 au 9 juin 1992), presque tous les maux que les Maliens reprochent aujourd’hui à la démocratie sont de la faute du régime du défunt Général. D’après lui, c’est Moussa Traoré qui a par exemple détruit l’armée malienne et au moment de l’avènement de la démocratie, il n’y avait même pas d’Etat et il fallait tout reconstruire.

Objectivement, peut-on et doit-on reprocher à feu Moussa Traoré d’être l’auteur de l’affaiblissement de notre outil de défense si l’on sait que pendant son règne l’armée malienne était l’une des plus craintes sur le continent ? Le concept comme «bâtir l’armée de nos besoins» et celui de «pays-frontières» sont de l’ère démocratique, notamment du règne du président Alpha Oumar Konaré. Avec les démocrates au pouvoir, la peur des putsches militaires a pris le dessus sur la raison : comment consolider notre outil de défense en se disant que celui qui veut la paix prépare la guerre ?

Nous pensons que Dr Sako s’est laissé aveuglé par ses ressentiments à l’égard du régime déchu le 26 mars 1991. Il ne s’agissait pas d’un énième procès du défunt président, mais de procéder à une analyse sincère et objective du processus démocratique. Qu’est-ce qui a fonctionné ? Qu’est-ce qui n’a pas fonctionné ? Pourquoi ? Comment rectifier le tir ? Voilà des questions qui devaient orienter les débats.

Un «Dictateur» pourtant dans l’estime de beaucoup de Malien aujourd’hui !

Il est clair qu’on ne peut pas évoquer l’avènement de la démocratie au Mali et passer sous silence le régime de feu le Général Moussa Traoré, notamment la répression de janvier à mars 1991 dont on lui a imputé l’entière responsabilité. Mais, de là à continuer à s’acharner sur lui en évoquant les tares reprochées à la démocratie, il faut vraiment être hanté par le souvenir du «dictateur» que beaucoup de Maliens regrettent pourtant aujourd’hui.

C’est parce que la démocratie était censée nous faire oublier les pratiques dénoncées sous son régime que nous sommes sortis massivement en janvier et mars 1991 pour la revendiquer au prix de nos vies. Elle était supposée mettre fin à la mauvaise gouvernance, à la corruption, à la délinquance financière, à la gabegie, au népotisme, au favoritisme… Hélas, la démocratie a plutôt accentué toutes ses pratiques parce que les nos supposés démocrates ont détourné l’exercice du pouvoir démocratique de son objectif principal : prendre en charge les préoccupations du peuple en privilégiant l’intérêt général ! C’est cet échec à combler ses aspirations légitimes qui a engendré le dépit que les Maliens ont ces dernières années pour leur classe politique. Et il est utopique de vouloir réconcilier les Maliens avec la politique sans une analyse objective des raisons de l’échec permettant à chaque acteur du mouvement démocratique de reconnaître et d’assumer sa part de responsabilité en s’engageant à en tirer tous les enseignements afin de contribuer à la redynamisation du processus démocratique !

Bravo quand même au CE de l’Adéma-Pasj pour cette belle initiative à perpétuer à tout prix parce que de ce genre de débats va un jour jaillir la lumière pour nous guider sur la voie du vrai exercice démocratique du pouvoir au bénéfice du peuple, de la nation !

Moussa Bolly

TORTURE MORAL, ABUS DE CONFIANCE ET DE POUVOIR : Certains journalistes sénégalais et béninois haussent le ton contre le Nigérien SIDDO Oumarou

‘’Mois de mars, mois de la femme. Pendant que les femmes réclament leurs droits dans le monde entier, d’autres sont exploitées, torturés et voient leurs droits bafoués au Niger

Le monde entier doit être témoin de ce qui se passe à Niamey. Je vais vous présenter de manière exhaustive la situation déplorable qui est vécue par des expatriés sénégalais et béninois, agents de Africa Communication Network (ACN).

Ils étaient 9 expatriés (dont 8 sénégalais et 2 béninoises) qui ont tout quitté au Sénégal et au Bénin pour se rendre disponibles, pour un challenge qui au départ, semblait intéressant et prometteur.

Des contrats avec un package et des salaires bien précis avaient été négociés et validés. Ces contrats ont été remis en cause à 2 reprises.

Concernant les salaires, ils n’ont été payés que le 1er mois avec un léger retard, en Octobre.

Concernant la prise en charge du logement, l’électricité est prise en charge par ces expatriés et constitue un poste de dépenses exorbitant car l’électricité est trop cher au Niger.

Sans salaire, la vie quotidienne au Niger est catastrophique : impossible pour eux de supporter les charges au pays (Sénégal et Bénin), impossible de s’alimenter, de faire des courses, de se soigner et impossible de vivre normalement. La situation de survie s’installant par la force des choses.

Le ressenti général étant qu’on les a vendu une vaste supercherie et un manque de considération. De ce fait, 6 de ces expatriés ont démissionnés pour retourner au Sénégal et au Bénin, parce que n’ayant plus de ressources pour pouvoir survivre dans le territoire nigérien. Et ceux-là qui ont démissionnés n’ont reçu qu’un mois de salaire et un billet retour. L’une des béninoise elle, n’a même pas reçu de billet retour car l’employeur M. SIDDO Oumarou à refuser de payer son billet retour sous prétexte qu’il n’avait pas d’argent pour acheter le billet alors qu’il possède une agence de voyage qu’est La Croix du Sud.

Il est tout simplement inconcevable que cette situation perdure pour ce qui reste encore à Niamey. Ces expatriés réclament le paiement de leurs arriérés de salaire et un dédommagement complet car ils ont tout quitté au Sénégal et au Benin pour le Niger, ainsi qu’un billet retour pour aller tout recommencer à zéro.

L’employeur en question Monsieur SIDDO Oumarou et son adjoint Monsieur I. Y (un sénégalais et ancien agent de la TFM) ne donne aucun gage de changement de cette situation, adopte une attitude laxiste et détachée. Pire, ils les poussent tous à la sortie en obligeant de signer des papiers qui atteste qu’ils sont quitte avec l’agence de libre engagement avec un billet retour sans le payement de leurs droits.

Avec des menaces, d’autres ont pris la fuite pour rentrer au pays sans bruit, ni fracas. Parce qu’ils ont été intimidé, prise au piège… et tout cela par la complicité de leur compatriote sénégalais ex-agent de la TFM qui a préféré rendre la vie dure voire impossible à ces frères sénégalais à Niamey parce qu’il reçoit en douce de l’argent de la part de M. SIDDO Oumarou.

Fini le silence, que justice soit faite car ce M. SIDDO Oumarou qui prétend être le conseiller du Président de Mohamed Bazoum (alors que c’est faux) est prêt à tout pour ces intérêts, il a des méthodes assez peu orthodoxes pour des gens sérieux qui ne demandaient qu’à travailler. Il joue avec la vie d’honnête citoyens, il joue avec l’avenir de cette jeunesse sénégalaise, l’avenir de tout un peuple. Ça doit cesser, ceux-là, ne vivent que de la sueur de leurs fronts’’.

 

Le collectif des victimes de Siddo Oumarou

MAMADOU TOGOLA, COORDINATEUR DU MOUVEMENT IBK KANU : «Assimi n’a dit à personne qu’il veut rester au pouvoir pour cinq ans»

Près d’une année et demie après la chute de son régime par un soulèvement populaire, Ibrahim Boubacar Keïta (IBK) est décédé ce dimanche 16 janvier à l’âge de 76 ans. Mamadou Togola, Coordinateur du Mouvement IBK-Kanu, principal soutien à la candidature d’IBK lors de son deuxième mandat, implore pour lui le pardon du peuple et réitère le soutien de son mouvement à la Transition. C’est dans une interview accordée à Azalaï Express. Lisez plutôt !

Azalaï Express : Quel sentiment vous anime après le décès de l’ex-président Ibrahim Boubacar Keïta, au nom de qui vous aviez créé votre mouvement ?

Mamadou Togola : La mort est la fin de toute chose. Nul n’y échappera. IBK a gouverné ce pays pendant 7 ans. Durant son règne, il a pu réaliser plein de choses, mais beaucoup de choses restaient à faire. Il a aussi échoué sur certains plans. Mettons tout cela sur le compte de la volonté divine. Le Mali est un pays de pardon et de solidarité. Quel que soit le problème, les Maliens peuvent y remédier. La preuve : ceux qui étaient contre le président Ibrahim Boubacar Keïta sont aujourd’hui venus présenter leurs condoléances à la famille. C’est pourquoi nous demandons à tous les Maliens de pardonner le défunt président Ibrahim Boubacar Keïta afin que son âme repose en paix.

Que dites-vous à ceux qui ont causé la chute du régime d’IBK ?

Même le Prophète Mohamed (Salla’Allah Alayhi wa sallam) en son temps n’était pas aimé par tous, à fortiori le président d’un pays. Si nous savions qu’IBK allait finir son deuxième mandat de cette façon, nous n’allions pas soutenir sa candidature. Aujourd’hui, beaucoup de gens ont regretté de s’opposer à lui lorsqu’il était au pouvoir. L’un des défauts des Maliens, c’est de s’opposer à quelqu’un sans chercher à comprendre la réalité, l’intention de la personne. Les Maliens doivent mettre ce comportement de côté et mettre le Mali au-dessus de tout. Œuvrons pour la paix, le vivre ensemble et la cohésion sociale entre les Maliens. S’il n’y a pas d’entente entre nous, les citoyens maliens, nous  ne réussirons jamais à réaliser le meilleur pour le pays. C’est exactement à ces mêmes problèmes que la Transition est aujourd’hui confrontée. Parce que les Maliens ne s’écoutent pas. Cependant, il est impératif pour les Maliens de s’unir et de soutenir les autorités vu l’emprise dans laquelle le pays est tombé. Le cas du Premier ministre, Choguel Kokalla Maïga, il avait dit beaucoup de choses au régime d’IBK. Mais puisqu’il est au pouvoir aujourd’hui, il est primordial que nous le soutenions pour l’intérêt du pays, afin de faire sortir le Mali de cette crise. Depuis le vivant d’Ibrahim Boubacar Keïta, nous n’avons jamais méprisé quelqu’un parce qu’il est opposant au pouvoir d’IBK. Car, le défunt président nous a toujours conseillés de mettre l’intérêt du Mali au dessus de tous. Pour IBK, celui qui fait du mal au Mali, ce dernier veut du mal de lui-même, IBK.  Et cela prouve son amour inconditionnel pour le pays. Mais si Dieu a décidé de mettre fin à son pouvoir ainsi, personne ne peut changer son destin. « L’enfant peut tomber des mains de celui qui le porte ».

Avec la disparition d’IBK, quel sera donc le nouvel objectif du mouvement ?

Avant même la mort d’IBK, nous  avions prédit qu’il allait mourir un jour, comme tout humain. Et avant lui, d’autres présidents de ce pays sont morts, notamment Modibo Keïta, Moussa Traoré, Amadou Toumani Touré et plein d’autres personnalités du pays. Nous n’avons pas soutenu IBK à cause de sa personnalité, mais pour son amour pour le pays. De ce fait, renoncer à notre soutien aux autorités après le décès d’IBK serait indigne de notre part et vis-à-vis de notre devoir pour la patrie. Ainsi, pour vous dire : nous sommes prêts à soutenir  tout ce qui va dans l’intérêt du pays, pour promouvoir le développement et la paix dans le Mali.

Quel jugement portez-vous sur la Transition ?

Pour moi, c’est l’union qui fait la force. Il est indispensable pour les Maliens de soutenir la Transition. Assimi Goïta, seul, ne peut pas sortir ce pays de la crise sans le soutien total de tous les fils du pays. Le président Assimi a, lui-même, dit aux jeunes : « Si j’échoue, c’est toute la jeunesse malienne qui a échoué ». Donc, nous n’avons pas droit à l’erreur. L’une des grosses erreurs du défunt président a été les élections. Pour éviter de telle situation, les Maliens ont l’obligation de soutenir la Transition pour pouvoir organiser des élections crédibles et transparentes. Autrement dit, l’échec de la Transition sera considéré comme l’œuvre de tous les Maliens. En plus, il faut comprendre qu’avec les militaires, on peut conquérir le reste du territoire occupé par les terroristes et les bandits armés et sécuriser tout le pays.

Le bras de fer avec la Cedeao est-il la solution ?

Le président de la Transition Assimi Goïta a toujours dit que ses portes sont ouvertes au dialogue avec la Cedeao. En effet, le problème c’est les Maliens eux-mêmes qui sont souvent absurdes et rendent les choses plus compliquées. Le président Goïta a, lui-même, affirmé que des coups d’État répétitifs ne mènent pas du bonheur. Cela détruit le pays. En plus, les sanctions de la Cedeao n’ont pas commencé par le Mali. Étant membre fondateur de la Cedeao, lorsqu’Amadou Toumani Touré était au pouvoir, le Mali avait également, dans le cadre de la Cedeao, pris des sanctions contre d’autres pays, notamment la Sierra Leone et le Libéria. Donc, comprenons que le Cedeao n’est pas notre ennemi. Même s’il est vrai que les choses tournent en notre défaveur. Elle doit savoir que le chronogramme de 5 ans demandé par les autorités de Transition est une base de négociation. C’est à elle de juger bon où trop. Assimi n’a dit à personne qu’il fera 5 ans au pouvoir. Par conséquent, les sanctions prises ne sont pas contre le président, mais contre tout le peuple. Face à de telles sanctions les Maliens doivent s’unir aux côtés des autorités pour sortir le pays de la crise. Depuis 2012, le pays est dans  cette crise. La vie devient de plus en plus chère, le taux du chômage des jeunes augmente.  Souvent le peuple accuse les autorités sur du faux, alors que c’est le peuple lui-même qui manque de civisme et ne joue pas son rôle. Nous sommes tous touchés par les sanctions de la Cedeao. Nous demandons aux autorités d’élaborer un chronogramme convenable qui nous permettra de sortir de ces sanctions. Ceux qui croient qu’on n’a pas besoin de la Cedeao aujourd’hui ne savent pas qu’ils sont en train de commettre une grave erreur. J’appelle tous les Maliens à l’union sacrée. Nous prions que les autorités et la Cedeao se mettent d’accord sur un chronogramme pour mettre fin à cette crise. Ces militaires peuvent faire ce qu’un président démocratiquement élu n’arriverait pas à réaliser, notamment la sécurité et le retour de la paix.

Jiadata MAIGA

La blogosphère, un cinquième pouvoir ?

Au regard des études sur la blogosphère publiées en Amérique du
Nord et en France depuis deux ans, le cas du Portugal présente des
singularités que nous chercherons, dans cette contribution, à mettre
en valeur et à interpréter.

2Après un premier panorama de ce phénomène en pleine expansion dans le
cyberespace lusophone, nous nous pencherons plus particulièrement sur le
cas des blogs spécialisés dans la critique des médias, dits watchdogs blogs
aux Etats-Unis, puis nous évaluerons, au-delà de la pertinence du modèle
habermassien de la reconstruction de l’espace public dans une société post-totalitaire, les raisons profondes du succès de ces blogs liés au contexte
portugais. Il s’agit d’une part de l’insuffisante réflexivité collective des
entreprises de presse au Portugal, d’autre part, du profil socioprofessionnel
spécifique des animateurs de ces sites à vocation réflexive.

L’autopublication sur le web au Portugal : un phénomène en pleine
expansion en voie de légitimation médiatique

3Au Portugal, les premiers blogs voient le jour en 1999. Mais c’est surtout au
cours de l’année 2003 que le phénomène connaît une expansion sans
précédent. Cette dernière coïncide avec l’apparition de nouveaux outils
d’édition en ligne (Movable Type est celui qui a connu le plus grand succès)
et d’un service d’hébergement gratuit : le Weblog em Portugal
(http :// www. weblog. com. pt).

4Ce portail recense 370 blogs portugais en 2003, chiffre multiplié par trois au
cours de l’année suivante. Les chiffres les plus récents (juin 2006), qui vont
bien au-delà du comptage effectué par le portail cité plus haut, font état de
37 000 blogs [1][1]Selon les estimations du site Sapo, un autre lieu d’hébergement….

5La croissance rapide de la blogosphère portugaise, mais aussi sa singularité,
n’ont pas échappé aux principaux médias du pays. Depuis 2003 elle fait
l’objet d’une couverture médiatique très active, qui n’a cessé de s’amplifier.
Ainsi, l’hebdomadaire Expresso, le magazine Visao et le quotidien Publico
ont-ils conféré au mouvement ses lettres de noblesse, en insistant notamment
sur la liberté d’expression et la réactivité comme traits fondamentaux de ce
nouvel univers éditorial.

6Dans la blogosphère portugaise, si les sites à caractère intime, littéraire ou
artistique ne manquent pas [2][2]Voir par exemple les sites Nocturno com gatos, Puta de vida,…, ce sont les blogs au contenu politique et
journalistique qui acquièrent le plus de visibilité.

Le journalisme, un objet de prédilection pour les blogs portugais

7Les blogs qui traitent plus ou moins directement de journalisme peuvent se
répartir en trois catégories, susceptibles de se recouper.

8La première, la plus rare, est composée par les blogs tournés vers le
journalisme d’information. A la différence de certains « J-blogs » français ou
américains, leus équivalents portugais comportent peu de valeur informative
ajoutée. Tout au mieux, ils relaient l’actualité diffusée par les grands médias
nationaux, comme on a pu le constater lors des attentats du 11 mars 2004 à
Madrid ou de la mort du dirigeant politique Sousa Franco.

9Une deuxième catégorie, déjà fort répandue en Amérique du Nord
(notamment au Québec), a pour objet la didactique du journalisme. Dans ce
registre, la première expérience a été initiée en 2003 à l’Université du Minho
avec le blog Jornalismo e Comunicação. Il s’agit d’un site collaboratif créé
dans l’environnement du Master recherche en Information et Journalisme de
cet établissement. Cette expérience a été poursuivie à l’Université de Porto,
avec le blog JornalismoPortoNet, animé par les enseignants et étudiants de
la Maîtrise de journalisme et communication. Sous la responsabilité
éditoriale de Fernando Zamith, il propose des cours en ligne, des exercices et
des liens utiles aux futurs journalistes. On évoquera enfin le cas du blog
Industrias Culturais, créé sous les auspices de Rogerio Santos et des
enseignants du master recherche en sciences de la communication de
l’Université Catholique de Lisbonne.

10Les trois blogs cités prennent soin d’associer une formation technique à une
réflexion critique sur la convergence médias-internet et la place du
journalisme comme norme de qualité dans une société de l’information en
évolution permanente, renvoyant à ce que certains chercheurs français ont
qualifié de compétence techno-encyclopédique[3][3]Voir RUELLAN et PÉLISSIER, 2003..

11Une troisième catégorie de blogs, enfin, est constituée par ceux qui ont
justement pour finalité l’exercice d’une compétence analytique et réflexive
sur le monde des médias et de la communication. Manuel Pinto évoque à
leur sujet un « méta-journalisme ». Cette catégorie met en avant un modèle
de presse d’opinion spécialisée, très personnalisée (billets, chroniques,
essentiellement) et s’appliquant au domaine particulier de la communication
médiatique. Parmi les blogs portugais fonctionnant selon ce principe, on
retrouve les trois blogs didactiques cités plus haut, mais aussi d’autres sites
autopubliés qui n’ont pas cette vocation [4][4]Jornalismo Digital, Aula de Jornalismo, Atrium, A Rádio em….

Les BCM : un phénomène au succès grandissant qui interroge
les rapports entre journalisme et espace public au Portugal

12Quelques-uns de ces blogs de critique des médias (BCM) bénéficient d’une
visibilité et d’une réputation significatives, tant auprès des internautes que
des supports plus classiques. Cela peut se vérifier en premier lieu dans les
statistiques des services d’hébergement de blogs, notamment
www. weblog. com. pt. Le 9 novembre 2005, au « Top 100 » des blogs les
plus visités, Jornalismo e Comunication figure à la 62e place et Ponto Média
à la 99e.

13Au-delà de ces éléments quantitatifs [5][5]Voir http ://weblog.com.pt :portal/blogometro, les BCM sont très fréquemment cités
pour leur qualité par les autres blogs portugais qui s’intéressent aux médias
et à l’actualité. Ils fonctionnent désormais comme des référents dans ce
domaine, et leurs animateurs sont considérés comme des « pères
fondateurs » de la blogosphère portugaise.

14D’ailleurs, certains d’entre eux font partie des plus anciens. Dans un texte [6][6]« 25 momentos na historia da blogosfera – un olhar…
qui retrace l’histoire de la blogosphere portugaise, Ponto Média (lancé en
janvier 2001) est ainsi décrit comme l’un des premiers blogs à avoir vu le
jour. Ce texte souligne aussi le cas d’autres BCM, tels que Jornalismo
Digital, Jornalismo e Comunicação
et Contrafactos & Argumentos comme
exemples pionniers.

15En outre, ces blogs sont fréquemment cités et repris par les médias
traditionnels. Ainsi, les revues Media XXI et Meios, magazines spécialisés
dans le domaine de la communication et du journalisme, font régulièrement
référence aux BCM [7][7]FERREIRA, 2004, p. 24-29.. La presse généraliste et magazine cite également ces
derniers dans des articles dédiés à la question des blogs. Diário Economico,
par exemple, dans un texte consacré au panorama de la blogosphere
portugaise intitulé « Portugal adere em força aos weblogs » [8][8]MASARENHAS, 2003., aborde la
question des blogs spécialisés dans le journalisme, en mentionnant Ponto
Média
. Ce fait atteste que les auteurs de ces blogs sont des personnes
reconnues, auxquelles les journalistes des médias traditionnels attribuent une
légitimité pour parler et débattre d’information au Portugal.

16Comment alors interpréter le succès à la fois quantitatif et qualitatif de ces
blogs de critique des médias au Portugal, qui ne va d’ailleurs pas sans
rappeler celui des watchdogs autopubliés sur le web aux Etats-Unis ? Le
chercheur et blogueur Manuel Pinto [9][9]Source : entretien avec l’auteur. évoque en priorité la montée en
puissance d’un modèle de communication sociale fortement inspiré par la
presse d’opinion, caractéristique de l’émergence d’un espace public dans la
société française du XVIIIe siècle.

17Dans le cas du Portugal, ce type de journalisme interprétatif a été surtout le
fait d’une presse d’émigration ou d’exil, à Londres, produite dans la phase
de déclin de la monarchie absolue. Et aujourd’hui encore, l’une des
caractéristiques de l’espace public portugais est sa dimension quelque peu
réduite et fermée. Pour Francisco Rui Cádima [10][10]CADIMA, 2003., historien de la
communication de masse au Portugal, ce pays aurait subi la plus rigoureuse
de toutes les censures inquisitoriales en Europe.

18L’un des épisodes les plus marquants de cette censure a été représenté par les
quatre décennies de dictature de Salazar (1930-1968), suivies par ce qui fut
appelé le « Printemps marcelliste » (1968-1974). Au cours de ces quarante
années, le débat et l’opinion publique au Portugal ont été strictement limités
et délimités.

19La période postrévolutionnaire (1974-1984) a constitué ensuite un moment
important de débat sur le système et l’organisation des médias. Puis la fin de
la censure a donné lieu à une confrontation entre les diverses factions
idéologiques et protagonistes politiques par le contrôle des médias nationaux
les plus importants [11][11]FAUSTINO, 2003, p. 2..

20La presse portugaise a donc longtemps subi une forte influence politique et
idéologique. Par la suite, dès les années 1990, des mouvements de
concentration ont favorisé l’expansion des entreprises spécialisées dans la
production et commercialisation de contenus journalistiques, conduisant
alors à une marchandisation croissante de l’information. Bref, de
nombreuses contraintes politiques et économiques ont longtemps limité la
libre expression publique par le canal des médias traditionnels au Portugal,
et c’est dans ce contexte de restriction qu’il est possible d’interpréter l’actuel
essor des BCM dans le cyberpespace portugais.

21Pour reprendre la typologie de Charron et de Bonville [12][12]CHARRON et DE BONVILLE, 1996., peut-on affirmer
que ce engouement traduit la prédominance d’un journalisme d’opinion, qui
exercerait une vigilance sur le journalisme d’information tel qu’il est
pratiqué par les médias, et qui dénoncerait les dérives de ces derniers vers un
journalisme de communication ?

22Si l’on se réfère exclusivement aux discours des acteurs locaux, cette piste
serait tentante. Mais on peut aussi voir dans les blogs l’ultime avatar dans
l’évolution du journalisme de communication. A titre d’illustration de cette
première hypothèse, on peut mettre en avant plusieurs facteurs : la
survalorisation de la fonction phatique, le développement croissant d’un
langage hypertextuel d’ordre méta-langagier, l’identité plurielle, voire
« fractale » de la « communauté » des animateurs, l’implication du public
par ces derniers, le caractère prédominant d’une rhétorique d’expertise
critique, la situation « d’hyperconcurrence » entre les voix émettrices, le
succès de genres plus « expressifs » tels que le portrait, le billet, la
chronique…

23De fait, la réalité observée est encore plus complexe. D’une part, certaines de
ces caractéristiques relèvent aussi, et même parfois en premier lieu, du
journalisme d’opinion. D’autre part, le journalisme de communication va de
pair, dans le modèle de Charon et De Bonville, avec une marchandisation
croissante des industries culturelles et une utilisation renforcée des
techniques de marketing pour instrumentaliser et cibler l’information.

24Or, c’est précisément contre cette marchandisation et contre cette
instrumentalisation que s’est progressivement construite la blogosphère.
D’aucuns objecteront certaines stratégies offensives d’intégration de la
blogosphère par les industries culturelles Cependant, à ce jour, surtout au
Portugal, de telles stratégies demeurent minoritaires et prédominent encore
dans cet univers les notions de gratuité, de partage de l’information, de libre
expression, etc.

25Quant au journalisme d’information, même si ce référent reste encore
puissant dans les discours des animateurs, il demeure lié à un contexte global
d’industrialisation et de rationalisation de la production d’information et à
l’existence d’une communauté de professionnels organisés, ayant le
monopole de cette production. Or, une majorité d’animateurs de blogs
d’opinion semblent a priori en porte-à-faux avec cette conception
positiviste, protectionniste et productiviste de l’information…

26Dans tous les cas, si le modèle de la presse d’opinion semble prédominer, il
ne révèle pas pour autant un retour au siècle des Encyclopédistes, en
particulier au Portugal où l’idéal normatif d’Habermas n’a jamais existé en
tant que tel, notamment parce qu’il s’hybride avec des formes résiduelles de
journalisme d’information et utilise très souvent les pratiques de
communication sociale dominantes dans le cyberespace.

27D’où l’intérêt de sortir du modèle paradigmatique de Charron et Bonville, et
de reprendre, avec Ringoot et Utard [13][13]RINGOOT et UTARD, 2005., l’idée d’une dispersion de la
formation discursive journalistique au sein d’autres univers non liés aux
entreprises de presse. Assurément, le journalisme demeure central dans les
références des blogs d’opinion portugais. Mais la critique que ces derniers
opèrent se situe, avec la complicité de quelques professionnels subtilement
situés aux marges du système médiatique, à l’extérieur de ses frontières.

28Au total, si le recours au modèle habermassien s’est révélé fécond [14][14]Voir FEIGELSON et PÉLISSIER, 1999. pour
décrire les transformations des médias et de l’espace public dans des sociétés
post-totalitaires, il ne semble pas expliquer à lui seul l’actuel engouement
pour les BCM au Portugal.

29Il nous paraît alors plus opportun de nous pencher plus en détail sur
d’éventuelles spécificités du contexte éditorial portugais à l’origine de ce
phénomène.

30Notre première hypothèse postule l’insuffisante réfléxivité des médias
traditionnels au Portugal et a trait aux transformation récentes du champ
journalistique dans ce pays.

31Notre deuxième hypothèse est que les animateurs de BCM occupent une
position sociale originale, au carrefour entre ce champ journalistique et les
champs intellectuels et académiques, position qui leur permet d’inventer de
nouveaux modes d’écriture “hybridée” et d’intervenir de façon efficace dans
la production de l’actualité en tant que nouveaux acteurs à part entière de
l’information au Portugal.

32Pour valider la première hypothèse, nous nous sommes appuyés sur de
précédents travaux et une recherche en cours sur la presse en ligne au
Portugal, ainsi que sur des recherches académiques récentes ayant pour objet
les mutations de la profession de journaliste dans la société portugaise.

33En ce qui concerne la deuxième hypothèse, nous avons mené une enquête
spécifique combinant des entretiens approfondis avec les animateurs des
principaux BCM (notamment Antonio Granado, Rogerio Santos ou Manuel
Pinto) avec une analyse de contenu portant sur les événements de l’actualité
2005 à propos desquels certains d’entre eux se sont impliqués activement.

L’insuffisante réflexivité du groupe professionnel des journalistes

34Si le champ journalistique portugais a connu des transformations récentes
allant dans le sens d’une plus grande autonomie par rapport au champ
politique et d’une plus grande diversité dans les identités et les parcours
professionnels, ces métamorphoses n’ont pas amené la plupart des
journalistes des médias traditionnels à remettre en cause en profondeur et de
façon récurrente leurs pratiques professionnelles.

35José Luís Garcia et Luís Castro [15][15]GARCIA et CASTRO, 1993, p. 93-114. ont analysé la lenteur de la recomposition
du corps des journalistes portugais après la révolution des oeillets et
S. Graça [16][16]GRAÇA, 2002, p. 21. les principales tendances de l’évolution récente du champ
journalistique. Ils ont mis en évidence certains moments-clés à l’origine de
ces transformations.

36En premier lieu, la constitution du cinquième Gouvernement Constitutionnel
en 1979, étape fondamentale dans la démocratisation des institutions
portugaises, a abouti à l’adoption d’un premier statut du journaliste, à la loi sur
la télévision et au règlement sur la carte professionnelle.

37En second lieu, la deuxième moitié des années 1980 a été marquée par la
crise de la presse écrite, l’adhésion du Portugal à l’Union Européenne et le
processus de démonopolisation du secteur des médias qui en a découlé. Les
journalistes portugais ont alors connu l’avènement des chaînes de télévision
commerciales et des investissements nouveaux au niveau de la formation, se
traduisant par l’ouverture de chaires de journalisme et de communication
dans les grandes universités du pays [17][17]Id., p. 22.. Ce dernier facteur a facilité l’arrivée
sur le marché du travail d’une génération de jeunes professionnels avec une
forte composante féminine.

38Pour Garcia et Castro, s’amorce alors un processus de professionnalisation
des journalistes portugais. Leur enquête met en évidence « de nouvelles
configurations symboliques à travers lesquelles ce groupe professionnel
entend donner du prestige à son métier, lutter pour une autonomie plus
grande dans le système médiatique, mais aussi améliorer sa position dans la
société, tout en développant des stratégies de défense et de fermeture sociale
à travers le contrôle de la quantité et de la qualité de ceux qui aspirent au
métier de journaliste ».

39L’enquête révèle également l’existence d’un « flou » professionnel au
niveau des représentations sociales : selon Garcia, « malgré le processus de
professionnalisation du journalisme au Portugal qui est en train de s’imposer
objectivement, (…) on peut affirmer avec que les journalistes portugais
restent toujours en quête d’identité » [18][18]GARCIA, 1995, p. 371..

40Depuis une vingtaines d’années, sous l’effet de divers facteurs, ce groupe
professionnel a connu des mutations profondes (rajeunissement,
féminisation, sédentarisation, spécialisation, technicisation, précarisation,
etc.) que l’on a pu repérer dans bien d’autres pays européens [19][19]Voir CHARON, 2000 ; RUELLAN et MARCHETTI, 2000. et qui
semblent en cours au Portugal.

41Entre autres facteurs, la dépendance renforcée du champ journalistique vis-à-vis du champ économique, le raccourcissement des délais d’exécution,
suscité par les nouvelles technologies, et les pressions exercées par la
concurrence sur les rédactions ont été à l’origine d’un mouvement de
revendication en faveur de davantage de déontologie professionnelle.

42Ce dernier a pris son essor dans la deuxième moitié des années 1990, suite à
de nombreuses affaires mettant en cause des journalistes reconnus de la
télévision. Il a été soutenu par les actions conjointes du Syndicat des
Journalistes et des milieux académiques spécialisés.

43Ce faisant, la décennie précédente a provoqué au sein du groupe
professionnel des journalistes portugais l’amorce d’un mouvement de
réflexivité collective. Les traductions concrètes de ce phénomène ne
manquent pas : création de rubriques régulières portant sur le secteur des
médias dans les grands journaux du pays ; institution d’un médiateur au
service de ces mêmes journaux ; lancement de magazines spécialisés dans la
réflexion sur l’activité médiatique (à l’image des revues Meios ou Media
XXI
) ; développement de l’activité d’un Clube de Jornalistas à l’origine
d’une revue du même type (Jornalismo e Jornalistas), d’un site web et d’une
émission télévisée hebdomadaire sur la chaîne nationale A2, réflexion
déontologique dans le cadre des activités du Syndicat des Journalistes, etc.

44Cependant, les quelques occasions de collaborations entre les journalistes et
les chercheurs universitaires ne semblent pas avoir abouti à une coopération
durable. Pour Ricardo Jorge Pinto, « le fossé entre la recherche académique
et la pratique journalistique s’est prolongé jusqu’à nos jours et rares sont les
indices probants traduisant un changement significatif » [20][20]PINTO, 2002, p. 13-21..

45Pour nombre de chercheurs portugais spécialisés, le problème apparaît bien
plus vaste. Manuel Pinto n’hésite pas à affirmer qu’ « en matière de
réflexivité des journalistes sur leurs pratiques professionnelles, le bilan reste
pauvre » [21][21]Source : entretien avec l’auteur.. Pour illustrer son propos, il évoque l’avant-projet
gouvernemental de révision du statut du journaliste en octobre 2005, qui n’a
pas, selon lui, suscité de débat de fond dans les médias. Il en conclut que :
« les journalistes portugais ne se remettent pas en cause et ont du mal à
accepter que d’autres personnes parlent d’eux. Ils tendent à devenir une
profession qui ne se discute pas ! » [22][22]PINTO, 2002.. Le Sindicato dos Jornalistas
Portugueses
a pourtant lancé à ce sujet des assemblées régionales dans tout
le pays à l’automne dernier. Mais, selon Pinto, « ces initiatives ont surtout
été de nature syndicale. Elles n’ont pas eu vraiment pour vocation de
constituer de vrais espaces de discussion et de réflexion publique ».

46A. Arons de Carvalho [23][23]ARONS DE CARVALHO, cité par J. Fidalgo, p. 175., ancien Secrétaire d’Etat à la Communication
sociale et professeur universitaire de déontologie, considère aussi que « la
réflexion collective des journalistes sur leurs pratiques professionnelles
continue d’être clairement insuffisante (…) Le Conseil Déontologique des
Journalistes a une visibilité réduite, et peut-être aussi une activité réduite ».
Selon lui, « il manque au Portugal une entité visible et vraiment influente qui
apprécie la conduite professionnelle des journalistes ». En outre, « Trop peu
de journaux portugais disposent de médiateurs. Il s’agit précisément de ceux
qui en ont le moins besoin, à savoir les journaux de référence, qui ont pris
cette initiative qui a aussi un effet propagandiste » [24][24]CHAMPAGNE, 2001..

47L’opinion de J. Fidalgo va aussi dans ce sens : « les journalistes portugais se
sont peu mobilisés en faveur de réflexions ou d’actions collectives ; ils ne se
reconnaissent guère dans les lieux de représentation existants » [25][25]FIDALGO, p. 72..

48A la lumière de ces propos, Manuel Pinto écrit sur son blog Jornalismo e
Comunicação
 : « Les espaces de réflexion et de débat sur le journalisme sont
rares dans les médias mainstream portugais. Aussi la blogosphere, avec
toutes ses contradictions et potentialités, amplifie-t-elle les possibilités
d’alimenter une vraie discussion publique qui contribue à la qualité du
journalisme » [26][26]Jornalismo e Comunicação : http ://webjornal.blogspot.com, 27….

49Ces limites étant posées, il nous reste à tenter de mieux cerner le profil des
acteurs à l’origine du succès de cette critique a priori externe aux entreprises
de presse.

Le profil très singulier des animateurs de blogs de critique des médias

50Une première sociographie des acteurs à l’origine des BCM, constituée sur
la base de nos entretiens qualitatifs, montre que leurs animateurs sont pour la
plupart des chercheurs reconnus et/ou des enseignants en journalisme liés
aux principales formations académiques du pays.

51Par exemple, Rogério Santos, initiateur du blog Indústrias Culturais, est
docteur en journalisme, professeur à l’Université Catholique de Lisbonne et
auteur de divers ouvrages scientifiques sur les médias portugais. Il a été par
ailleurs rédacteur-en-chef du magazine réflexif spécialisé Media XXI.

52Antonio Granado, créateur du blog Ponto Media, exerce quant à lui les
fonctions de professeur de journalisme à l’Université de Coimbra. Il est
également chercheur (il prépare sa thèse de doctorat au Royaume-Uni) et a
coécrit récemment un des premiers livres portugais sur les weblogs. Il
collabore régulièrement au quotidien de référence Publico en tant que
journaliste scientifique.

53Manuel Pinto, à l’origine du blog Jornalismo e Comunicação et professeur à
l’Université du Minho, a été journaliste titulaire et chef de la rubrique
« Education et Culture » au Jornal de Notícias. Il exerce par ailleurs les
fonctions de médiateur de ce même journal.

54Helder Bastos, animateur de Travessias, est professeur de journalisme à
l’Université de Porto. Il a lui aussi été journaliste à Jornal de Notícias et a
occupé le poste d’éditeur de la rédaction du quotidien Diário de Notícias. Il
a édité le premier ouvrage paru au Portugal sur les incidences d’internet dans
les pratiques des journalistes.

55Fernando Zamith, de JornalismoPortoNet, est journaliste à l’Agência Lusa et
lui aussi professeur à l’Université de Porto. Il est en outre l’un des
principaux chercheurs portugais sur les thèmes du cyberjournalisme et du
journalisme civique et participatif.

56Elisabete Barbosa, animatrice de Jornalismo Digital et co-éditrice du blog
collectif Jornalismo e Comunicação, est chercheuse à l’université et a
coécrit avec Antonio Granado le livre académique Weblogs–diario de bordo.
João Paulo Menezes, 39 ans et fondateur de Blogouve-se, est un journaliste
de radio réputé qui coordonne la rédaction de la TSF à Porto. Il est aussi
professeur associé de journalisme radio à la chaire de communication de
l’Université Gaia (Porto) et doctorant à l’Université de Vigo en Espagne.

57Enfin, Francisco Rui Cádima, responsable du blog Irreal Tv, est spécialisé
dans le domaine de l’histoire des medias et de l’audiovisuel à l’Université
Nouvelle de Lisbonne. Il est par ailleurs auteur de divers ouvrages de
référence dans le domaine de la communication et a été, pendant plusieurs
années, responsable de l’Obercom (Observatoire de la Communication).

58Ainsi, les éditeurs des principaux BCM se situent à la fois à l’intérieur et à
l’extérieur de la frontière professionnelle des entreprises de presse, dont ils
ne sont plus, pour la plupart, salariés à titre principal.

59Il s’agit pour l’essentiel d’acteurs du champ intellectuel, essentiellement de
sexe masculin, âgés de 40 à 55 ans et bénéficiant donc d’une certaine
expérience sociale et professionnelle. Ils ont tous pour point commun d’avoir
suivi des études universitaires longues, au niveau master et le plus souvent
doctorat.

60Ils occupent presque tous des positions professionnelles appréciables dans le
champ de la formation et de la recherche en media and journalism studies au
Portugal. Mais il s’agit aussi de personnes pratiquant ou ayant pratiqué le
journalisme, soit en tant que collaborateurs ou ex-salariés d’une entreprise de
presse, soit en tant que médiateurs de journaux, avec une forte prédominance
de l’univers de la presse écrite.

61Une autre caractéristique de ces éditeurs de blogs est le fait qu’ils se
connaissent presque tous personnellement. Ils appartiennent en effet au
même groupe d’intellectuels portugais qui s’intéressent à l’étude des médias
et du journalisme. La majeure partie d’entre eux participent aux mêmes
colloques et rencontres académiques, dont ils sont le plus souvent à
l’initiative.

62Les membres de cette « avant-garde » partagent le sentiment que leurs blogs
contribuent à élargir l’espace de discussion publique sur le fonctionnement
des médias, en inscrivant dans l’espace public des sujets qui n’apparaissent
pas au travers des routines et circuits habituels des médias. Ils conçoivent
leurs sites autopubliés comme une forme d’accompagnement critique de
l’actualité médiatisée.

Des positions sociales à l’origine de nouveaux modes d’écriture

63Alors que de nombreux travaux français [27][27]Voir par exemple LE BOHEC, 2000 ; CHAMPAGNE et CHARTIER, 2004 ;… et anglo-saxons [28][28]Voir SPLICHAL et SPARKS, 1994 ou plus récemment ZELIZER, 2004., insistent sur la
difficulté à établir des relations de confiance et de réciprocité entre
professionnels des médias et enseignants-chercheurs universitaires, les BCM
portugais semblent au contraire constituer une sorte de lieu privilégié de
rencontres fécondes entre ces deux univers aux intérêts si souvent
antagoniques. Hors-ligne, comme nous l’avons précisé plus haut, cette
collaboration demeure beaucoup plus limitée, même dans le cas portugais.

64Dans chacun de ces cas, on constate la prégnance de façons de faire issues
du milieu académique, mais aussi de pratiques de professionnels du
journalisme formés aux méthodes de la recherche en sciences sociales. On
peut y retrouver l’influence, consciente ou non, du paradigme anglo-saxon
de journalisme de précision[29][29]Voir NEVEU, 2001..

65Dans les textes que nous avons analysés, les éditeurs semblent rechercher
une objectivité qui va, à notre sens, bien au-delà de la mise en scène et du
simple rituel stratégique (pour reprendre l’expression de Tuchmann [30][30]TUCHMANN, 1978., à
propos de l’idéal d’objectivité promu par certains journalistes). Ce trait
apparaît notamment au travers de l’utilisation très fréquente de nombreuses
citations (poids du discours rapporté) pour justifier les propos énoncés, mais
aussi de l’utilisation de multiples liens hypertextes vers des sources
primaires issues de la production académique.

66A titre d’illustration, dans le corpus des posts que nous avons analysés en
octobre 2005, les nombreuses citations relevées sont extraites de différents
journaux nationaux, d’autres sites internet à vocation réflexive et surtout des
ouvrages académiques spécialisés dans le domaine des médias.

67Cette pratique de recoupement et de citations apparaît clairement dans le cas
particulier du blog Indústrias Culturais. Dans les textes étudiés, l’auteur se
livre à une véritable analyse de contenu des éditions quotidiennes de trois
quotidiens généralistes de référence : Público, Diário de Notícias et Jornal
de Notícias
.

68A titre d’exemple, Rogerio Santos cite les données originales d’un ouvrage
récemment paru pour illustrer la baisse des ventes des journaux quotidiens et
magazines portugais, qu’il confronte avec les chiffres avancés par le dernier
annuaire de l’Obercom. Il mentionne également les conclusions d’une autre
étude étrangère sur la télévision, et explicite même la méthodologie utilisée
par ses auteurs.

69Les manières de faire du milieu académique dans les pratiques
informationnelles à l’œuvre dans la blogosphère ont déjà été mises en
évidence dans certains travaux [31][31]JEANNE-PERRIER, LE CAM et PELISSIER, 2004. . Dans cette influence, on retrouve l’origine
scientifique de nombreux pionniers du web, mais aussi le fait que les
chercheurs partagent un certain nombre de valeurs communes avec les
éditeurs de blogs. Ils pratiquent comme eux une communication à titre
gratuit, désintéressée, s’appuyant sur la citation mutuelle et s’adressant à un
public restreint essentiellement composé de pairs (identification entre
sources, lecteurs et publics), conférant ainsi à leur communauté un certain
degré d’autonomie par rapport à la sphère marchande. On constate aussi une
prédilection commune pour une rhétorique d’expertise critique [32][32]PADIOLEAU, 1976. à l’œuvre
dans les écrits scientifiques et dans certaines formes de journalisme
spécialisé.

70Cette comparaison peut également se retrouver dans les modes d’écriture des
éditeurs de BCM, qui semblent mélanger, sans toujours les distinguer
clairement, la plume du journaliste, de l’homme de lettres et celle du
scientifique.

71Il en résulte une certaine hybridation des genres [33][33]Voir UTARD et RINGOOT, 2005. (du fait de la cohabitation
entre des textes de nature littéraire (chroniques, billets d’humeur,
portraits…) et d’autres de caractère plutôt scientifique (analyses, recensions
d’ouvrage, etc.), notamment entre des brèves très courtes au format
journalistique et des textes plus longs marqués par le mode d’écriture
académique.

72En effet, les blogs portugais de journalisme, à la différence de certains « J-blogs » américains qui cherchent à réinventer le reportage d’actualité [34][34]LE CAM, 2004.,
valorisent davantage l’analyse, la critique et le commentaire d’événements
en rapport avec cette actualité.

73Les principes de partage de l’information et de rétroaction apparaissent aussi
comme des traits majeurs des BCM, qui offrent d’ailleurs la possibilité de
commenter et de discuter les textes qu’ils diffusent. Les auteurs ne manquent
pas d’affirmer ces principes, lorsqu’ils évoquent la finalité de leurs blogs :
« Atrium est un espace de construction de polémiques constructives, il est un
lieu de doutes et d’apprentissages partagés » ; « Travessias est né de la
nécessité d’une écriture plus libre par rapport aux canons de l’écriture
journalistique…les blogs sont venus élargir le pluralisme de l’opinion par
rapport aux médias traditionnels portugais »

74Si l’origine sociale et professionnelle des auteurs de BCM les conduit à
réinventer le journalisme d’opinion sur le web, on peut aussi constater, au
travers de notre analyse de contenu, que certains d’entre eux vont plus loin
en s’impliquant activement dans la construction de l’actualité dans l’espace
public portugais.

Les BCM comme nouveaux acteurs de l’information au Portugal ?

75Un premier cas révélateur du rôle actif des BCM a été la critique réalisée par
Blogouve-se à propos de la couverture journalistique de l’Euro 2004 de
football. Dans son analyse approfondie, l’animateur a remis en cause
l’impartialité de nombreux journalistes portugais [35][35]Voir posts des archives de juin, surtout à partir du 23 Juin :…. Il a notamment rédigé
une lettre ouverte au président du Conseil Déontologique du Syndicat des
journalistes, diffusée sur le blog, en sollicitant son intervention. Il a aussi
attiré l’attention des journalistes sur le fait que « leur comportement n’a pas
été déontologiquement correct » [36][36]Voir post du 9 juillet 04 -….

76Or, cette intervention a été prise en compte et a déclenché une discussion
publique de plus grande ampleur. D’une part, le président du Conseil
Déontologique lui a répondu sur son blog ; d’autre part, l’échange qui en a
découlé a donné lieu à une émission spéciale du programme de télévision
Clube de Jornalistas consacrée à la couverture journalistique de l’Euro 2004
et à laquelle les deux protagonistes ont été invités. La polémique lancée au
sein de la blogosphère a eu ainsi des rebondissements plus amples par
l’intermédiaire de médias plus traditionnels à plus forte audience.

77Un deuxième cas qui a attiré notre attention concerne le blog Industrias
Culturais
, animé par Rogerio Santos, dont les interventions récurrentes sont
fréquemment reprises par les journaux portugais. Par exemple, le médiateur
de Jornal de Notícias, le 1er octobre 2005, a commenté une intervention de
Rogério Santos effectuée sur son blog Industrias Culturais. Il s’agit d’un
billet concernant la fin d’un reality show produit par la chaîne de télévision
SIC et élaboré à partir de l’analyse de contenu des divers journaux qui
avaient consacré beaucoup d’espace éditorial au traitement de ce sujet. Plus
spécifiquement, Rogerio Santos affirme que le titre de l’article de Jornal de
Noticias
sur ce sujet ne lui paraît pas refléter la réalité des faits.

78A la suite de ce post, le médiateur de Jornal de Notícias évoque le sujet dans
sa chronique hebdomadaire. Il interpelle la journaliste de son entreprise,
laquelle répond d’ailleurs que son titre n’était pas opportun. La professionnelle
mise en cause justifie sa pratique en expliquant qu’elle avait repris les termes
du nouveau directeur de programmes de la chaîne sans les discuter et en les
transformant en titre. Rogerio Santos remercie alors sur son blog le médiateur
du Jornal de Noticias pour sa diligence et son efficacité [37][37]Voir « Ainda a Senhora Dona Lady », 9-10-05.….

79Jornalismo e Comunicação, pour sa part, a eu récemment un rôle
déterminant dans une affaire qui constitue a priori le premier cas, au
Portugal, de pression organisée des blogs sur un média de masse. Il s’agit
d’un problème déontologique relatif à certaines informations problématiques
délivrées par le quotidien Público[38][38]Jornalismo e Comunicação, « As fontes do « Público » e o valor….

80L’intervention de J&C a pour objet une affaire très médiatisée en septembre
2005 au moment des élections municipales. Elle concerne le retour au pays
d’une ex-maire mise en examen par la justice portugaise. L’ancienne édile
s’était enfuie au Brésil quelque temps avant le verdict défavorable (prison
préventive) de son procès. Elle revient ensuite au Portugal en pleine
campagne électorale de 2005 et annonce sa candidature à la Mairie où elle
avait déjà exercé ses fonctions. Público divulgue alors des informations
relatives à ce retour polémique, en affirmant que celui-ci avait été négocié
avec les dirigeants du parti dont l’intéressée était un membre influent. Après
la diffusion de ces propos par le journal, des démentis ont été apportés par
les personnes engagées dans l’affaire, mais le quotidien n’a pas mis en
œuvre de droit de réponse.

81J&C a été le premier blog à questionner le travail des journalistes de Publico
et à interpeller publiquement leur rédaction. Il interroge celle-ci sur l’origine
des informations divulguées et sur les conditions du retour polémique de
l’ex-maire : « Des preuves ? Des sources ? Des éléments qui prouvent ou
crédibilisent l’information ? ». [39][39]Idem.

82Peu de temps après, d’autres blogs abordent également le sujet, en particulier
Blouguitica[40][40]http ://bloguitica.blogspot.com.. Confronté au silence du journal, ce dernier blog, spécialisé
dans les questions éthiques et politiques, lance une action concertée visant à
faire pression sur le quotidien et à l’amener à revoir sa position. Cette
initiative a débouché sur un mouvement de « résistance informationnelle »
animé par plus de soixante blogs, dont une partie des BCM portugais.

83Quotidiennement, les blogueurs ont interrogé la rédaction et demandé des
précisions relatives aux sources du quotidien de référence. Ce dernier s’est
d’abord réfugié dans le silence. Puis, en octobre 2005, le Directeur de
Público a été invité à participer à une émission du programme de télévision
Clube de Jornalistas consacré à la couverture des élections municipales. La
polémique a alors été abordée. Interrogé sur les sources de ses informations,
le directeur du journal s’est contenté d’affirmé que celles-ci seront toujours
protégées. Fin octobre, le journal publie enfin un éditorial [41][41]FERNANDES, 2005. dans lequel son
directeur tente de justifier sa démarche. Selon lui, Publico a agi de façon
prudente en ne diffusant que des informations susceptibles d’être recoupées
et vérifiées.

84Mais à ce jour, cette affaire n’a toujours pas été éclaircie. Manuel Pinto le
confirme : « je sais de source sûre qu’il y a eu vraiment un malaise chez les
journalistes de la rédaction tout au long du mouvement de pression de la
blogosphere [42][42]Cette perception de l’animateur de Jornalismo e Comunicação… . Ils se sont sentis vraiment gênés par ce qui s’est passé ».

Une critique sans lendemain ?

85Nous pouvons déduire de ce qui précède que les blogs de critique des médias
sont en train de susciter une réflexion d’ampleur sur les pratiques
journalistiques au Portugal, et que leur fonctionnement traduit une réelle
démarche d’innovation par rapport aux routines produites par la machinerie
des entreprises de presse.

86Ceci posé, quel peut être l’avenir d’une telle formule ? Un discours
beaucoup plus cynique et stratégique ne risque-t-il pas de se substituer
rapidement au réenchantement du journalisme et du monde proposé par ces
blogs réflexifs ?

87De fait, l’audience de ces nouveaux médias demeure très limitée, dans un
pays où prédomine une consommation si peu sélective des communications
de masse (télévision en particulier). En outre, les professionnels du
journalisme impliqué dans les BCM n’occupent pas une place centrale dans
le système médiatique, lequel demeure placé sous la responsabilité de news
managers
peu enclins à voir leur responsabilité mise en cause par des
« francs-tireurs » à la fois situés aux marges du système et rémunérés par lui.
Le mouvement ainsi observé demeure donc très fragile. Mais c’est aussi
dans la fragilité, l’éphémère, le fortuit et l’irrévérence que se construit, à
forces d’erreurs, de tâtonnement et de corrections, une opinion publique
consciente d’elle-même.

88Ceci posé, le cas du Portugal est-il généralisable, voire « exportable » dans
d’autres pays, notamment en Europe ? En Amérique du Nord, nous l’avons
écris plus haut, les pratiques de monitoring des médias de masse les plus
influents sont désormais monnaie courante dans la blogosphère. Or, de telles
pratiques ont le plus souvent été initiées par les journalistes eux-mêmes.

89Depuis de nombreuses décennies, s’est construite aux Etats-Unis une solide
tradition de self-reflexivity de la part des professionnels des médias, laquelle
a pu s’exercer pleinement lors d’événements majeurs récents tels que la
guerre en Irak. Notamment, la réflexion sur la déontologie et la
responsabilité sociale des journalistes est très vivace dans les établissements
de formation et au sein même des entreprises de presse. Le milieu
journalistique est notamment très engagé (il implique d’ailleurs certaines de
ses vedettes, telles que Dan Gillmor [43][43]Voir sur le site pointblog.com du 22 août 2005 : « Dan… ) dans l’organisation de colloques, la
conception de programme réflexifs, l’action de sensibilisation auprès des
citoyens, l’édition de revues de débat ou la publication de sites internet à
vocation critique.

90Tel n’est pas le cas dans de nombreux pays européens, où la fonction de
surveillance des médias, lorsqu’elle existe, apparaît davantage comme
l’apanage des sphères politiques, intellectuelles et académiques. En France,
l’exemple de l’association Acrimed (Action-Critique-Médias), liée au
mouvement altermondialiste ATTAC et aux cercles de pensées proches des
théories sociales de Pierre Bourdieu, va dans ce sens.

91En outre, les journalistes européens ont dans l’ensemble moins investi le
cyberespace que leurs homologues nord-américains (même si l’on peut
remarquer de grandes différences en fonction de pays et des entreprises de
presse). Ce nouvel espace de discussion critique est surtout pratiqué par des
amateurs en quête ou non de légitimité publique.

92Dans le cas du Portugal, nous avons précisément mis en évidence le faible
degré de réflexivité professionnelle du champ journalistique, notamment sur
internet. Or, ce constat peut s’ffectuer à propos de nombreux pays
européens, en particulier parmi les nouveaux entrants d’Europe Centrale et
Orientale qui peinent à assurer leur transition post-totalitaire. Dans ces pays,
il nous semble que la blogosphère pourrait devenir un lieu actif de la critique
des médias et de la recomposition de l’espace public.

93Avec les BCM portugais, ce sont plutôt des acteurs du champ intellectuel et
académique ayant gardé un pied à l’intérieur des entreprises de presse qui
pratiquent le commentaire critique d’actualité et participent à la construction
de l’information. Ce constat nous amène d’ailleurs à penser que, dans la
perspective de l’édification d’un espace public européen, la blogosphère
pourrait jouer un rôle significatif.

94A la différence des watchdog blogs américains, animés pour la plupart par
des professionnels des médias plus ou moins en conflit avec l’entreprise qui
les embauche (certains d’entre eux travaillent d’ailleurs en free lance), les
blogs européens gagneraient à susciter la collaboration des acteurs les plus
divers représentatifs de la société civile mais aussi de la sphère politique. En
France, les blogs ont d’ailleurs été des acteurs très dynamiques de la
communication en faveur du « non » au Traité Constitutionnel Européen lors
du référendum de mai 2005, alors que la plupart des grands médias de
référence ont plutôt fait campagne pour le « oui » par la voix de leurs ténors
les plus influents.

95Plus que jamais, l’avenir du journalisme ne peut demeurer le seul apanage
des professionnels des médias. Il doit bel et bien relever de la Res Publica,
c’est-à-dire l’affaire de tous les citoyens. Au travers du phénomène
d’amateurisme de masse qu’elle suscite, la blogosphère ne sera pas à elle
seule la solution miracle au problème d’une critique des médias plus
démocratique. Mais elle peut en devenir, à moindre frais et avec quelques
règles du jeu, l’un des vecteurs privilégiés.

Notes


  • [1]

    Selon les estimations du site Sapo, un autre lieu d’hébergement des blogs portugais, qui
    recense 400 nouveaux blogs créés chaque jour au Portugal en juin 2006.

  • [2]

    Voir par exemple les sites Nocturno com gatos, Puta de vida, Seta despedida ou Janela
    Indiscreta…

  • [3]

    Voir RUELLAN et PÉLISSIER, 2003.

  • [4]

    Jornalismo Digital, Aula de Jornalismo, Atrium, A Rádio em Portugal, Blogouve-se,
    ContraFactos & Argumentos, Intermezzo, Irreal Tv, Metablogue, NetFM, Ponto Media,
    PrimeiraPágina, Travessias,
    etc.

  • [5]

    Voir http ://weblog.com.pt :portal/blogometro

  • [6]

    « 25 momentos na historia da blogosfera – un olhar retrospectivo da blogosfera
    portuguesa ». Voir le lien http ://blogo.no.sapo.pt/25momentos/index.htm

  • [7]

    FERREIRA, 2004, p. 24-29.

  • [8]

    MASARENHAS, 2003.

  • [9]

    Source : entretien avec l’auteur.

  • [10]

    CADIMA, 2003.

  • [11]

    FAUSTINO, 2003, p. 2.

  • [12]

    CHARRON et DE BONVILLE, 1996.

  • [13]

    RINGOOT et UTARD, 2005.

  • [14]

    Voir FEIGELSON et PÉLISSIER, 1999.

  • [15]

    GARCIA et CASTRO, 1993, p. 93-114.

  • [16]

    GRAÇA, 2002, p. 21.

  • [17]

    Id., p. 22.

  • [18]

    GARCIA, 1995, p. 371.

  • [19]

    Voir CHARON, 2000 ; RUELLAN et MARCHETTI, 2000.

  • [20]

    PINTO, 2002, p. 13-21.

  • [21]

    Source : entretien avec l’auteur.

  • [22]

    PINTO, 2002.

  • [23]

    ARONS DE CARVALHO, cité par J. Fidalgo, p. 175.

  • [24]

    CHAMPAGNE, 2001.

  • [25]

    FIDALGO, p. 72.

  • [26]

    Jornalismo e Comunicação : http ://webjornal.blogspot.com, 27 janvier 2005.

  • [27]

    Voir par exemple LE BOHEC, 2000 ; CHAMPAGNE et CHARTIER, 2004 ; LEGAVRE,
    2004.

  • [28]

    Voir SPLICHAL et SPARKS, 1994 ou plus récemment ZELIZER, 2004.

  • [29]

    Voir NEVEU, 2001.

  • [30]

    TUCHMANN, 1978.

  • [31]

    JEANNE-PERRIER, LE CAM et PELISSIER, 2004.

  • [32]

    PADIOLEAU, 1976.

  • [33]

    Voir UTARD et RINGOOT, 2005.

  • [34]

    LE CAM, 2004.

  • [35]

    Voir posts des archives de juin, surtout à partir du 23 Juin : httpp ://ouve-se.weblogger.
    terra.com.br/200406_ouve-se_arquivo.htm.

  • [36]

    Voir post du 9 juillet 04 – httpp ://ouve-se.weblogger.terra.com.br/200407_ouve-se_
    arquivo.htm.

  • [37]

    Voir « Ainda a Senhora Dona Lady », 9-10-05.
    http ://industrias-culturais.blogspot.com/2005_10_09_industrias-culturais_archive.html.

  • [38]

    Jornalismo e Comunicação, « As fontes do « Público » e o valor das suspeitas », 22-09-05
    http ://webjornal.blogspot.com/2005/09/as-fontes-do-pblico-e-o-valor-das.html.

  • [39]

    Idem.

  • [40]

    http ://bloguitica.blogspot.com.

  • [41]

    FERNANDES, 2005.

  • [42]

    Cette perception de l’animateur de Jornalismo e Comunicação repose sur sa propre
    analyse de l’ambiance vécue dans la rédaction de ce journal, dans la mesure où Manuel Pinto
    y entretient des relations privilégiées en tant qu’ancien journaliste reconnu an plan national.

  • [43]

    Voir sur le site pointblog.com du 22 août 2005 : « Dan Gillmor : le journalisme citoyen
    n’est pas une critique des médias mais une expansion des médias ».