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CEDEAO : Trois chefs d’Etat en mission sécrète à Bamako

Le colonel Assimi Goïta recevra des chefs d’Etat qui ne sont pas acquis à sa cause. Officiellement, ils viennent plaider pour la cause des 46 soldats ivoiriens détenus à Bamako. Mais au-delà de cette raison, c’est l’Amérique qui prend le relais de la France qui est en perte de vitesse et de crédibilité en Afrique de l’Ouest, plus précisément au Mali. Et ce changement de stratégie passe par le Mali dont les autorités ne sont plus en odeur de sainteté auprès du pays de l’Oncle Sam.

Dans ce contexte, la journée de demain mardi sera décisive, des chefs d’Etat se rendant au Mali ayant déjà écouté les directives de la Maison Blanche. Le Mali est visé par une loi américaine dont le but est de combattre les autorités rebelles. Avant de passer à son plan punitif contre la transition malienne, Washington dépêche à Bamako demain mardi une délégation de trois chefs d’Etat ouest-africains. Il s’agit de Nana Akufo Ado de la République du Ghana, de Macky Sall du Sénégal et de Faure Gnasimbé du Togo. Tous les trois chefs d’Etat avaient pris part à un sommet tenu à New York la semaine dernière sur le Mali et la Guinée Conakry.

En réalité, on est face à un deal entre la Communauté économique des Etats d’Afrique de l’Ouest (Cedeao) et les Etats-Unis qui ont pris une loi pour contrer l’influence russe en Afrique. Comment comprendre la tenue d’un sommet de la Cedeao hors du continent africain en dehors du lobbying américain ?

La « loi sur la lutte contre les activités malveillantes de la Russie en Afrique » (Countering Malign Russian Activities in Africa Act) a été adoptée par 415 voix pour et 9 contre par les représentants du Senat américain en avril dernier, au moment où le Mali et la Russie renforçaient leurs relations commerciales et diplomatiques.

Les États-Unis souhaitent “demander des comptes aux gouvernements africains et à leurs responsables qui sont complices de l’aide à l’influence et aux activités malveillantes (de la Russie). Les chefs d’Etat ouest-africains qui se rendent à Bamako sont en mission des Etats-Unis, puisque la loi adoptée permet d’évaluer régulièrement l’ampleur et la portée de l’influence et des activités de la Fédération de Russie en Afrique qui compromettent les objectifs et les intérêts des États-Unis.

Elle permet également de déterminer comment traiter et contrer efficacement cette influence et ces activités. Le projet prévoit également de tenir pour responsables la Fédération de Russie et les gouvernements africains […] qui sont complices. La Cedeao est ainsi la porte d’entrée des Etats-Unis au Mali, même si ce dernier est suspendu de la communauté.

L’épouvantail des sanctions

Avant la rencontre de la Cedeao à New York, tout le monde redoutait un durcissement du cas malien. En effet, le 15 septembre, le pouvoir de transition a prolongé le bras de fer diplomatique et verbal avec la Côte d’Ivoire sur le sort de 46 soldats ivoiriens détenus à Bamako, en mettant en garde à la Communauté économique des Etats de l’Afrique de l’Ouest, à laquelle la Côte d’Ivoire demande de l’aide.

La transition affirme que l’affaire des militaires ivoiriens emprisonnés au Mali est purement judiciaire et bilatérale et met en garde contre toute instrumentalisation de la Cedeao par les autorités ivoiriennes pour se soustraire à leur responsabilité vis-à-vis du Mali. Cette mise en garde a été faite par le Premier ministre par intérim, le colonel Abdoulaye Maïga, dans un communiqué lu à la télévision nationale. Pour rappel, la médiation engagée par le Togo est l’unique cadre de règlement du dossier et le Mali n’est nullement concerné par cette procédure devant l’instance communautaire. La transition accuse le gouvernement ivoirien d’être animé par une volonté d’adversité et d’avoir transformé un dossier judiciaire en une crise diplomatique.

En réalité, les relations entre le Mali et l’Etat ivoirien se sont dégradées depuis que des colonels ont pris par la force, en août 2020, la tête de ce pays confronté depuis 2012 à des attaques djihadistes et plongé dans une profonde crise sécuritaire et politique. Elles se sont encore détériorées avec l’interpellation de 49 soldats ivoiriens à leur arrivée à Bamako, le 10 juillet. Mais trois soldates ont récemment été libérées. Les 49 soldats devaient, selon Abidjan et l’ONU, participer à la sécurité du contingent allemand des casques bleus au Mali. Bamako les considère comme des « mercenaires ».

Madou COULOU

RETRAIT DE LA MISSION MILITAIRE EUROPEENNE AU MALI : Un vide qu’il va falloir combler

L’embellie militaire constatée depuis un certain temps se heurtera, tôt ou tard, au retrait quasi accompli de partenaires stratégiques du Mali dans sa guerre contre le terrorisme. Outre le retrait de Barkhane voulu haut et fort par la masse populaire et « imposé » par la junte, celui des missions européennes que sont l’EUTM et EUCAP Sahel Mali pour la police, s’annoncent pour l’heure problématique. Le pays paye ainsi déjà les frais d’une radicalité certaine dans sa diplomatie militaire qui pourrait l’impacter durablement.

La présence des troupes de Wagner aura marqué un point de rupture dans les relations entre l’armée malienne et la mission européenne au Mali. Les européens jugent désormais que leur mandat au Mali est incompatible avec toute présence de mercenaires sur le sol malien. Une présence qui tendrait fortement à violer le droit international humanitaire, module dispensé aux soldats malien par l’EUTM, mais aussi, qui contredirait l’idée selon laquelle l’armée malienne tend à être souveraine.

Le risque avec la configuration qui se dessine est que le Mali perde peu à peu les acquis fondamentaux engrangés du côté de la mission européenne au profit d’un choix stratégique qui certes, aura emporté l’adhésion du Malien lambda, mais qui n’aurait pas été murement réfléchi. Car, en prenant résolument le choix de la puissance militaire rivale de l’Occident, le Mali s’est enfoncé un peu plus dans les méandres de l’échiquier international. Il est devenu un autre champs d’influence sur lequel les puissances du monde viennent bander leurs muscles.

Le risque est d’autant sérieux que la mission européenne aura été un allié de poids pour le Mali dans la lutte contre le terrorisme. Elle aura formé plus de 15000 soldats maliens depuis son déploiement. Ce qui correspondrait à une grande partie des effectifs de l’armée. Un autre fait qu’il faudra prendre en compte, c’est le départ quasi acté des soldats allemands, autre alliés de poids sur le plan militaire pour le Mali dont 300 sont déployés au sein de l’EUTM et 1100 au sein de la MINUSMA.

L’allié russe du moment peut très difficilement combler le vide militaire laissé. Elle qui est embourbée dans sa guerre contre l’Ukraine, ne s’investira pas davantage sur le terrain malien. Le Mali aura donc tout intérêt à prévoir un scénario de « stagnation » dans lequel cas, l’allié principal aura atteint ses limites en matière de partenariat militaire.

In fine, à noter que le Mali aura violé la convention internationale contre le recrutement, l’utilisation, le financement et l’instruction de mercenaires dont elle est membre depuis le 12 avril 2002. Le Mali y a adhéré et surtout, n’a émis aucune réserve. Il est donc à prévoir pour les prochaines autorités maliennes de rectifier le tir sur le plan militaire et diplomatique, mais aussi, sur le plan juridique.

Ahmed M. Thiam

ASSISES NATIONALES DE LA REFONDATION : Mission accomplie pour les organisateurs !

Le rapport final des Assises nationales de la refondation (ANR) a été officiellement remis
au Premier ministre Choguel Kokalla Maïga, mercredi 16 février, par Zeïni Moulaye, au
nom de la Commission d’organisation des ANR et du Panel des hautes personnalités dont
il assure la présidence.
« Les membres du Panel des hautes personnalités et de la Commission d’organisation des
Assises nationales de la refondation ont fait leur part », a déclaré Zeïni Moulaye, président du
Panel des hautes personnalités. Ainsi, pour annoncer la fin de la mission du Panel et celle de la
Commission d’organisation des Assises nationales de la refondation(ANR). Et cela s’est soldé par
ce précieux rapport remis à qui de droit. Après une première remise le 11 février dernier au
Président de la Transition Assimi Goïta, c’est au tour du Premier ministre Choguel Kokalla Maïga
de recevoir ce document oh combien important pour l’avenir du Mali. Cependant, le Président du
Panel des hautes personnalités a avisé le Premier ministre : « Il revient maintenant au
Gouvernement de traduire ces idées lumineuses en actions, dans une programmation
raisonnable à court, moyen et long termes ». Avant de leur exprimer leur gratitude.
En effet, a rappelé Zeïni Moulaye, les Assises nationales de la refondation (ANR) se sont tenues
du 11 au 30 décembre, successivement dans le communes, les cercles, les régions du Mali, ainsi
qu’à l’étranger, notamment dans 26 pays et puis à l’échelon national. D’après lui, elles ont été marquées par une participation active des forces politiques et sociales aux travaux. « Elles ont
confirmé l’engagement des Maliennes et des Maliens pour une solution de sortie de crise et ont
marqué la volonté populaire de contribuer à l’édification d’un Mali nouveau », a-t-il témoigné. Et
d’illustrer encore cela par les gigantesques manifestations du 14 janvier 2022. Avant d’affirmer
que les ANR se sont révélées comme une source d’inspiration pour une renaissance de la nation
malienne, une source potentielle de construction de la puissance du Mali de demain.
Suivant les propos du Président du Panel, ce rapport concentre entre autres : les espérances des
populations du Mali quant au renouveau institutionnel, politique, économique, social, culturel et
sécuritaire attendu ; le processus des ANR sur le terrain et les structures de mise en œuvre ;
dévoile l’approche utilisée pour aboutir aux résultats escomptés. Et d’indiquer une analyse
quantitative et qualitative des données recueillies sur le terrain, avant de livrer entièrement les
recommandations issues des débats. Enfin, ce rapport propose une suggestion de comité de
suivi-évaluation afin que les recommandations de refondation soient mises en œuvre, suivies
périodiquement et évaluées. Par ailleurs, il a rendu un hommage mérité aux membres du Panel
des hautes personnalités et de la Commission d’organisation des ANR. Le discours du président
du panel a été surtout marqué par une forte recommandation en faveur des femmes. « Si vous
pouviez, dans votre Gouvernement, réserver la moitié des portefeuilles aux femmes, vous
réussiriez encore plus et mieux », a suggéré Zeïni Moulaye au Premier ministre.
Pour sa part, le Premier ministre Choguel Kokalla Maïga a indiqué que les ANR étaient au cœur
de la trajectoire de rectification de la Transition intervenue le 24 mai dernier. Pour lui, ce
rapport est un précieux viatique pour l’avenir du pays. C’est pourquoi il a invité les cadres de
l’administration à mettre en avant ce rapport final des Assises nationales de la refondation, afin
de réussir la refondation de l’État.
 
 
Jiadata MAIGA

Sécurité au Sahel : La Minusma désormais en sursis

La fin s’approche pour la Mission multidimensionnelle intégrée des Nations unies pour la stabilisation au Mali (Minusma). En tout cas, tous les signaux attestent cela après le retrait annoncé des autres forces européennes, notamment Barkhane et Takuba.

La Minusma n’a plus de raison de rester au Mali. C’est du moins la conviction des observateurs de la situation politique et sécuritaire malienne. Surtout, qu’ils viennent d’apprendre que cette force supposée aider le Mali dans la lutte contre le terrorisme est incapable de se sécuriser elle-même. Ce sont les présidents Macky Sall et Macron qui ont soulevé le lièvre en fin de semaine dernière. Les deux chefs d’Etat ont en effet avoué que la Minusma a besoin de sécurité. Alors, que fait-elle au Mali si au lieu d’apporter un appui au retour de la paix et la sécurité, la Minusma est dans l’incapacité d’assurer sa propre sécurité ? C’est la grande question que des observateurs se posent. Le départ de cette mission est d’autant plus justifié que son mandat, qui arrive à terme en juin prochain, n’a jamais tenu compte du contexte sécuritaire qui exige de l’engagement sur le théâtre des opérations. Plusieurs fois, les autorités maliennes ont demandé à l’ONU le renforcement de son mandat pour le rendre plus robuste. Cela n’a jamais été fait. Mieux, elle est budgétivore. Les statistiques en font la mission onusienne la plus coûteuse de l’Histoire et financière et humaine.

Des observateurs sont persuadés que les autorités maliennes ne vont pas demander le renouvellement du mandat en juin prochain ; et même si cela venait à se produire, le mandant de cette force va être offensif.

Dans tous les cas, le départ de la Minusma est presque acté.

En attendant la suite des événements, elle peut déjà préparer ses valises.

Mariétou DOUCOURE