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AMINATA KONATE-BOUNE, FEMME LEADER : «La refondation de toute société commence par une remise à plat des mentalités et des pratiques»

Nous sommes à la fin de Mars, mois dédié aux femmes dans notre pays. Ainsi prennent fin trente-un jours d’activisme en faveur de  celles qui constituent aujourd’hui plus de la moitié de la population malienne. Pour Mme Aminata Konaté-Boune, cadre de l’Education nationale française/personne ressource de la Diaspora malienne de France, c’est une bonne opportunité de nous livrer le résultat de sa profonde réflexion sur la complémentarité homme/femme dans la refondation.

Comment leur dire ! Comment leur dire que patriotisme ne rime pas avec genre et que c’est l’affaire de tous : hommes et femmes confondus ? Comment leur dire que la refondation nous incombe tous et chacun à notre niveau ? Comment leur dire que s’il est communément admis que la Femme est une sentinelle de paix et de développement, sa participation active à la refondation du Mali ne devrait pas se poser ?

Mais comme nous en sommes encore à nous demander, dans quelle mesure ce pilier de toute société que représente la femme, peut ou doit y contribuer, voici en quelques lignes ma vision. Tout le monde veut que ça change, mais personne ne veut changer. Il sera difficile d’évoluer dans ce sens. Et si, nous Femmes, nous commencions par nous indigner de ce qui ne va pas et ce sur quoi nous avons une prise directe, en étant le changement souhaité…

J’en reviens donc inéluctablement au fer de lance constitutif de toute société, marchant sur ses deux jambes : l’éducation, parce que nous demeurons, quoiqu’on en pense, les gardiennes des valeurs universelles qui fondent le vivre ensemble nécessaire à l’évolution humaine. Je propose un changement de paradigme vers une société trans-moderne où les visions, les compétences et les intuitions féminines seraient prises en compte dans une communion des genres, où l’éducation transmise servirait à lutter contre les pratiques corruptives et discriminatoires qui ont gangrené notre société et encore notre époque.

Le temps n’est plus à la réparation, mais bien à la refondation. La refondation de toute société commence par une refondation humaine. Une remise à plat des mentalités et des pratiques s’impose à nous parce que le changement souhaité ne se décrète pas. Il se réfléchit, s’anticipe, se prépare. Il nécessite une adhésion pleine et entière avec une pleine prise de conscience des changements quotidiens que cela suscite. Un proverbe soninké nous rappelle «que c’est de la terre molle que jaillissent les plus belles poteries». En d’autres termes, miser sur l’éducation de nos enfants dès leur plus jeune âge constitue le gage d’une meilleure société fondée sur la préservation du bien commun, dans une logique de sérieux, de probité et de pragmatisme.

Mais attention, le compromis demandé ne saurait être une compromission. En effet, il s’agit bien là, pour nous, d’apporter une contribution à la gouvernance compétente dans cette transformation voulue et attendue du Mali et plus généralement du monde, car les choix que nous faisons actuellement seront déterminants et conditionneront nos existences. S’il était encore besoin de rappeler certains exemples de réussite lorsque la femme est pleinement associée à la gestion d’un pays, je ne citerai ici que le Rwanda, dont le parlement est constitué à 60 % de femmes et dont la croissance économique ne cesse d’augmenter depuis cette implication féminine exemplaire aux affaires du pays.

Je conclurai donc mon propos par ce proverbe brésilien qui dit que «l’homme ressemble à tout le monde et que la femme ne ressemble à personne». Apportons donc cette singularité qui est nôtre au service d’un objectif commun, car en définitif on ne perd que les batailles que l’on ne mène pas !

Aminata Konaté-Boune

Cadre de l’Education nationale française
Personne ressource de la Diaspora malienne de France
Chevalier de l’Ordre National du Mali

L’ancien Premier-ministre SOUMEYLOU BOUBEYE MAÏGA a tiré sa révérence : Faut-il célébrer un héros ou un martyr ?

L’homme qui a définitivement déposé les armes a été de tous les combats pour le Mali durant les 40 dernières années. Journaliste de profession, leader politique également,  Soumeylou Boubèye Maïga, SBM a été un acteur majeur dans l’avènement de la démocratie et jusqu’à son dernier souffle il a cru aux idéaux du Mouvement démocratique. Comme tout homme politique de sa trempe, son parcours a été parsemé des véritables prouesses, mais aussi des ratés. Craint par certains pour avoir été responsable des services de renseignements, donc au fait des dossiers les plus sensibles de la République, respecté par d’autres pour avoir servi l’Etat à des hauts niveaux de responsabilité, dont le dernier a été le poste de premier ministre. SBM a été haï par d’autres en lui attribuant une grande part de responsabilité dans la situation chaotique du Mali. Il a été tout simplement un grand commis de l’Etat. Mort en détention sans jugement pour des supposées malversations financières qui ne seront jamais élucidées. La question que l’on est en droit de se poser est celle de savoir s’il faut célébrer un héros ou un martyr ?   

C’est à moins d’une semaine de l’historique, de l’emblématique et de la glorieuse date du 26 mars que l’un des grands acteurs du Mouvement démocratique s’en est allé pour toujours. Soumeylou Boubèye Maïga, puis que c’est de lui qu’il s’agit, a rangé le micro, le stylo et son écharpe à l’effigie de l’ASMA -CFP pour le dernier voyage, laissant ses parents, amis, camarades politiques et même le peuple malien inconsolables. Que faut-il retenir de ce leader politique dont le parcours a été fait des hauts et des bas ?  L’on se rappelle de cette silhouette d’un homme amaigri devant le général Moussa Traoré en train de dépeindre la situation sociopolitique du Mali pour ensuite demander une ouverture démocratique. Il n’était pas donner à tous les cadres de l’époque d’avoir une telle témérité, cette silhouette était celle de SBM. Faut-il rappeler que cette conférence de cadres a été sans nul doute le début de l’ascension politique d’un homme qui a ensuite gravi les échelons après le coup d’Etat du 26 mars 1991. Soumeylou Boubèye Maïga a été tour à tour, Chef de cabinet du Président de la transition d’alors, ATT, membre fondateur de l’Alliance pour la Démocratie au Mali Parti Africain pour la Solidarité et la justice, ADEMA / PASJ. Directeur de la Sécurité d’Etat, SE, ministre de la défense sous Alpha Oumar Konaré.

A la fin du deuxième et dernier mandat constitutionnel de ce dernier il a voulu être le porte étendard de l’ADEMA, battu lors des primaires par feu Soumaila Cissé, SBM accepta sa défaite et a officiellement soutenu le candidat retenu. Mais il ralliera après les élections, le camp du vainqueur ATT ou du moins courtisa ATT en dehors de l’ADEMA. Insatisfait, SBM s’oppose à son parti en 2007 qui a pris fait et cause pour ATT dès le premier tour. Il créera un mouvement politique dénommé ASMA pour soutenir sa candidature à la présidentielle de 2007. Après les élections, il a été exclu de l’ADEMA pour travail fractionnel et non-respect du mot d’ordre du parti, ce qui précipita la naissance de sa formation politique dénommée ASMA CFP. A deux ans de la fin du mandat d’ATT, SBM s’est réconcilié avec lui et devint même son ministre des Affaires étrangères. Avec lui la diplomatie malienne a fait des prouesses.

A quelques encablures de la fin du mandat, le régime ATT a été renversé par un coup d’Etat le 22 mars 2012 et SBM a en tant que ministre du dernier gouvernement a été arrêté par les putschistes avec à leurs tête le Capitaine Amadou Haya Sanogo. Après plusieurs mois de transition, le candidat Ibrahim Boubacar Keita a été élu Président de la République et son allié depuis le premier tour, qui est SBM fait son entrée dans le premier gouvernement en tant que Ministre de la Défense et des anciens combattants. Il quittera ce poste après la visite du premier ministre Moussa Mara à Kidal dont SBM n’a pas pris part pour des raisons de santé, en tant que ministre de la défense. SBM, surnommé le tigre, a connu un petit moment de flottement avant d’être promu ministre secrétaire général de la présidence, pour ensuite être bombardé premier ministre avec comme mission principale la réélection d’IBK pour un second mandat. Cette mission a été accomplie au prix du sang et de la sueur de l’opposition dont les manifestations ont été matées. Les détracteurs de SBM lui reprocheraient d’avoir tripatouillé les résultats de l’élection présidentielle en faveur d’IBK. La lune de miel avec son mentor ne durera pas longtemps car SBM sera débarqué de la primature après plusieurs jours de manifestations contre lui et à la veille d’une motion de censure de sa propre majorité à l’Assemblée Nationale. Humilié et mis à l’écart, SBM n’a pas attendu longtemps pour voir le régime d’IBK s’effondrer également à la suite d’un coup d’Etat le 18 Août 2020.

Pensant se faire une nouvelle santé politique avec la junte dont certains ténors seraient ses jeunes, c’était sans compter sur la détermination des hommes forts à nettoyer les écuries d’Augias des anciens dignitaires du régime IBK. SBM, après une émission débat sur une chaine de télé privée où il a défendu que son dossier sur les achats d’équipements militaires a été classé sans suite par la juridiction compétente, se verra convoquer le lendemain au pôle économique et placé sous mandat de dépôt. Admis dans une clinique de Bamako, son état de santé n’a cessé de se dégrader au point que sa famille avait demandé à l’Etat son évacuation, ce dernier refusa et après trois mois d’hospitalisation il rendit l’âme le lundi 21 mars 2022.

En somme, Soumeylou Boubèye Maïga, dont le parcours politique voire professionnel s’est déroulé en dents de scie, fait de hauts et de bas. Il restera tout de même une icone de la politique malienne. Donc c’est en héros que votre journal l’Alternance lui rend hommage.

Youssouf Sissoko

NÉCROLOGIE: Le TIGRE ne feulera Plus, Vive le Tigre !

Ainsi donc, « Tigre » ne feulera plus !
Vive le Tigre !
Le Premier-ministre Soumeylou Boubèye MAIGA est décédé ce 21 mars 2022, dans une clinique à Bamako.

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