Les populations maliennes sont sous pression quant à la sécurité alimentaire. Du moins, une grande partie, soit 1,8 million cette année, selon les analyses de l’organisation humanitaire des Nations unies, Ocha.
La crise multidimensionnelle sévissant au Mali arrive à sa dixième année en 2022, dans un contexte marqué par une transition politique dont la trajectoire est peu lisible avec des débuts de sanctions de la Communauté économique des Etats de l’Afrique de l’Ouest (Cedeao). Selon la synthèse de Ocha, les principaux moteurs de la crise demeurent les chocs préexistants que sont : l’insécurité, les catastrophes naturelles (sécheresses et les inondations) et les urgences sanitaires et les épidémies dont la Covid-19. Elle pense que l’utilisation d’engins explosifs improvisés EEI, la destruction d’antennes de communication, de ponts et de routes, l’encerclement des villages et des marchés par les groupes armés non étatiques et les opérations militaires anti-insurrectionnelles entravent l’accès des populations aux services et aux moyens de subsistance et empêchent la mobilité du personnel et des produits humanitaires. De plus, le sous-développement et la pauvreté chronique, les inégalités sociales, l’absence de l’Etat et de ses services sociaux de base dans certaines zones affectées par la crise contribuent à aggraver la vulnérabilité des populations, à détériorer la situation humanitaire, à fragiliser leurs capacités à faire face aux différents chocs et poussent des ménages à recourir à des stratégies de survie négatives dont les enfants et les femmes sont les plus exposés.
L’analyse regrette l’expansion géo-spatiale de la crise qui continue de sévir dans le Nord, notamment à Taoudénit, Tombouctou, Gao, Ménaka et Kidal et le Centre du pays (Mopti et Ségou), avec une propagation grandissante dans les régions ouest et sud du pays (Kayes, Koulikoro, Sikasso). Outre cette distribution territoriale, Ocha a constaté que la zone du Liptako Gourma (ou des “trois frontières” entre le Burkina Faso, le Mali et le Niger) devient de manière incontestable l’épicentre de cette crise multiforme, confirmant ainsi la transnationalisation de cette urgence humanitaire complexe. Elle informe que dans cette expansion spatiale des chocs se superposent engendrant des groupes de populations prioritaires dans l’analyse et la sévérité des besoins qui se compose comme suit : les personnes déplacées internes (PDI), les retournés, les rapatriés, les réfugiés les migrants ainsi que les populations autochtones des zones affectées.
Comme conséquence des chocs et facteurs associés de cette crise, l’étude rapporte que ce sont 12,9 millions de personnes (contre 11,7M en 2021) qui sont affectées, dont 52% de femmes et 56% d’enfants, parmi lesquelles 7,5 millions (contre 5,9M en 2021) sont considérées comme étant en besoin d’assistance humanitaire, dont 5,3 millions présentent des besoins aigus. Ainsi, 36% de la population totale, soit plus d’une personne sur 3, a besoin d’une assistance humanitaire.
Aussi, les déplacements internes de personnes ont augmenté de 100 000 en 2021, pour atteindre plus de 401 000, soit quatre fois plus d’il y a deux ans. De plus, 156 000 réfugiés maliens résident dans les pays voisins, et le Mali accueille et fournit protection et assistance à 48 000 réfugiés.
Au niveau de la sécurité alimentaire, le constat fait ressortir que 4,8 millions de personnes sont en situation d’insécurité alimentaire, dont 1,16 million de personnes en situation d’insécurité alimentaire aiguë, près du triple de l’année dernière à la même période. En projection, Ocha annonce que lors de la période de soudure de juin-aout 2022, 1,84 million de personnes seront en situation d’insécurité alimentaire aiguë, dans 12 cercles, nécessitant une aide alimentaire et nutritionnelle d’urgence.
Sur le plan nutritionnel, la prévalence de la malnutrition aiguë globale (MAG) en 2021 est de 10% et celle de la malnutrition aiguë sévère (MAS) de 1,8%. Aussi que sept des 11 régions ont des prévalences de MAG dépassant le seuil d’alerte (10%) ou d’urgence (15%). En tout, 3 394 692 de personnes (16% de la population totale) auront besoin d’une assistance nutritionnelle en termes de prise en charge et de prévention en 2022, soit 2,2 millions de plus que l’année dernière.
Au niveau de la protection, la tendance est à l’aggravation de la crise avec une augmentation drastique des incidents de protection et des violations graves des droits humains. A ce titre, l’étude révèle qu’au 30 septembre 2021, 5 124 cas avaient été comptabilisé contre 4 036 sur toute l’année 2020, soit une hausse de 27%.
Par ailleurs, elle note que les autres secteurs humanitaires présentent aussi des besoins majeurs. Notamment au niveau de l’éducation, où ce sont 1 664 écoles qui sont non fonctionnelles, soit 16% des écoles du Mali. Et que cela affecte 500 000 élèves et 10 000 enseignants. Au niveau de l’Eau, Hygiène et Assainissement (EHA), le taux de non accès aux services d’eau potable est de 23% au niveau national, contre respectivement 65% et 58% pour les régions de Kidal et Ménaka. Au niveau de la santé, du fait de l‘insécurité et de la Covid-19, la prestation des services de santé a diminué de 22% par rapport à 2020, avec une diminution de 31% rien que pour les consultations curatives et une diminution de 24% de la couverture vaccinale. Concernant la fonctionnalité des centres de santé, le rapport présente 21 qui sont non fonctionnels, et 82 partiellement fonctionnels.
Source : Ocha