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ÉCONOMIE : le Franc CFA chute face au dollar

La monnaie ouest africaine qui s’échange aujourd’hui autour de 658,23 F CFA pour 1 dollar US, a perdu près de 11% de sa valeur par rapport au dollar depuis le début de l’année, à cause de l’affaiblissement de l’euro.

Même s’il s’agit de sa baisse la plus importante en vingt ans, le Franc CFA a un sort bien meilleur que la monnaie de bon nombre de pays émergents et africains à l’instar du Naira et du Cédi qui ont perdu entre 20 et 40% de leur valeur depuis janvier.

A l’inverse, des monnaies ont fait mieux que le Franc CFA. Cas du Dinar algérien qui stagne à -5% depuis le début de l’année, dans la même proportion que le Rand sud-africain (-5%).

Le Financial Times, citant des données de l’Institute of International Finance, estime que « les investisseurs étrangers ont retiré leurs fonds des marchés émergents pendant cinq mois consécutifs, ce qui constitue la plus longue série de retraits jamais enregistrée ». Ce sont là des capitaux d’investissement essentiels qui quittent les marchés émergents pour se mettre en sécurité.

Selon Financial Afrik, média spécialisé dans l’information financière, le Franc CFA résiste mieux que le Cedi et le Naira face aux fluctuations du dollar américain, mais demeure moins performant que le Dinar algérien et le Rand sud-africain.

M. Yattara

Source : financialafrik.com

APPUI À L’ECONOMIE RURALE : Les bons points de l’ONG Geres

Présente au Mali depuis 2007, I’ONG Geres dont les réalisations ne cessent de marquer les esprits dans les milieux ruraux, semble révolutionner le secteur de l‘économie rurale à travers l’accès à l’énergie en milieu rural.

Présente dans 10 pays, dont la France, Maroc, Mali, Benin, Sénégal, Myanmar, Cambodge, Tadjikistan, Mongolie et Afghanistan, I’ONG Geres a été créée  en 1976 en France. II s’agit d’une ONG de développement Internationale qui œuvre à l’amélioration des conditions de vie et lutte contre les changements climatiques et leurs impacts. En tant qu’acteurs de terrain, la transition énergétique est un levier majeur de leur action en faveur d’une plus grande solidarité climatique.

Pour un changement sociétal ambitieux, I’ONG encourage le développement et la diffusion de solutions innovantes et de proximité, et accompagne les politiques territoriales climat-énergie et elle mobilise tous les acteurs en les incitant à agir et à soutenir les plus vulnérables.

Dans le cadre de ses interventions, Geres travaille, à travers à l’accès à une énergie durable, au développement des très petites entreprises, car elles sont créatrices d’emplois et base pour un développement des services de qualité au niveau rural.

L’ONG Geres est également attachée à I ‘appropriation des actions par l‘ensemble des parties prenantes. L’association assure aussi un renforcement de capacités afin d’instaurer des dynamiques de changement, développer des stratégies de résilience et ouvrir le champ des possibles pour que chacune et chacun soit acteur d’un développement durable.

Notons que le Geres intervient au Mali depuis 2007 dans les domaines de l‘accès à l‘énergie en milieu rural et de la promotion des énergies renouvelables dans les régions de Sikasso, Ségou, Kayes et Koulikoro. Ainsi, par la mise en œuvre de divers programmes de recherche-action et de développement en partenariat avec les acteurs locaux, Geres a développé une connaissance fine de ses territoires d’intervention et des problématiques énergétiques auxquelles sont confrontées les populations résidentes. Parmi les interventions phares des dix derrière années, on peut citer: les actions contribuant à l’électrification rurale, notamment pour des usages productifs, les actions autour de l’efficacité énergétique dans le domaine de la cuisson en direction des ménages urbains et des femmes rurales, avec la promotion des foyers améliorés ; les actions autour de la promotion des filières

Agro forestières de Jatropha incluant l’insertion de la production dans les exploitations familiales, la production et l’utilisation d’agro-carburants paysans en circuit court au profit particulièrement des meuniers locaux et enfin la valorisation locale des coproduits en engrais organiques et/ou en savons dermatologiques.

L’ONG Geres est aussi fortement engagée dans l’accompagnement et le renforcement de capacités des acteurs locaux à mettre en œuvre leurs initiatives dans leurs territoires. L’établissement de partenariats stratégiques avec des organisations porteuses d’expertises complémentaires à celles de Geres permet d’aller au-delà de l’accès à l’énergie et de répondre ainsi plus globalement aux enjeux de développement économique de ces territoires, et notamment a l’inclusion des groupes vulnérables que sont les femmes et les jeunes.

S’agissant des projets de Geres au Mali, il s’agit entre autres de l’amélioration de l’accès aux services essentiels dans les centres de santé et les maternités au Mali ; des actions en faveur du climat et énergie en Afrique de l’Ouest.

Au Mali, Geres offre aussi un accès à l’énergie durable pour toutes et tous. Un projet a d’ailleurs été mis en œuvre en octobre 2018 pour une durée de 39 mois dans les régions de Sikasso, Ségou et Kayes, avec le soutien financier de l’Agence suédoise pour le développement international (Asdi).

Adama Traoré

LA BANQUE MONDIALE ET LA BANQUE AFRICAINE DE DEVELOPPEMENT FERMENT LE REBINET AU MALI : Quels impacts pour son économie déjà agonisante ?

Rien ne va plus au Mali croupissant sous des lourdes sanctions le pays de Soundiata Keita traverse aujourd’hui l’une des crises les plus graves depuis son indépendance. Si la crise sécuritaire ne date pas de l’après coup d’Etat, il est incontestable que l’économie malienne est entrée en récession en 2020 à cause non seulement de la pandémie, de la faible performance agricole ainsi que de la crise sociopolitique. Elle connaît aujourd’hui un changement négatif voir plus chaotique avec la suspension des décaissements de la Banque mondiale et de la Banque africaine de développement (BAD). Cette nouvelle avait été annoncée par le ministre de l’Economie et des finances, Alhousseiny Sanou, le 14 avril 2022. Les raisons avancées par le ministre Sanou est sans nul doute l’accumulation des échéances au titre du service de la dette publique pendant plus de 45 jours à cause du gel des avoirs du Mali  à la BCEAO empêchant toutes transactions bancaires avec l’extérieur.

Dans une correspondance adressée aux coordinateurs des projets financés par les deux institutions. Cette décision qui est la suite logique des sanctions infligées au Mali par la CEDEAO et l’UEMOA impactera négativement le quotidien des maliens et surtout  l’Économie du pays et ses Finances. Cette nouvelle serait celle qui aura un impact sur le plan socioéconomique surtout dans pays asphyxié. Pour rappel, le Mali est déjà sur le banc de suspendus voire des exclus dans beaucoup d’institution comme la Communauté économique des États de l’Afrique de l’Ouest (CEDEAO), l’Union africaine (UA) ou encore l’organisation de la Francophonie. Toutes ces institutions et organisations exigent un retour à l’ordre constitutionnel. Cette lourde sentence de la banque mondiale est-elle prononcée voire faite à dessein pour parachever   l’économie malienne déjà en agoni ?

Cependant, la Banque mondiale s’occupe du développement dans notre pays avec des engagements financiers de plus de 2 milliards de dollars US, soit approximativement mille milliards de francs CFA représentant la moitié du budget de l’Etat. Cette enveloppe couvre 31 opérations en cours d’exécution dans des secteurs comme l’éducation, la santé, l’agriculture, l’énergie, les transports, les infrastructures.

Quant à la BAD, elle intervient dans 25 opérations pour 488 milliards de francs CFA touchant le transport routier, l’agriculture, la gouvernance, l’énergie, l’industrie, l’eau, l’assainissement. A-t-on besoin de rappeler que de son adhésion   à cette banque en 1964 à ce jour, que  ce sont 118 projets qu’elle a financés  au Mali pour un montant de 1500 milliards de francs CFA.

En effet, Ces montants sont les chiffres globaux que ces institutions financières ont dépensés au Mali comme pour dire que le trou abyssal qu’elles laisseront sera difficile à être comblé  pour ne pas dire qu’elles sont  irremplaçables surtout dans le contexte actuel marqué par une crise multidimensionnelle. Autrement dit la suspension des décaissements des deux institutions financières que sont la BM et la BAD met un coup d’arrêt  à tous les projets de développement du Mali et surtout  le bien-être de ses populations

Cette décision de la Banque mondiale renvoie le Mali et les institutions régionales dos à dos en s’appuyant sur les mesures économiques et financières à l’encontre du Mali pour suspendre ses décaissements. La décision de l’institution financière peut créer un effet « boule de neige » auprès des autres bailleurs comme (FMI, Banque africaine de développement, etc.) et des partenaires bilatéraux, notamment les investisseurs dans les secteurs minier et agricole.

Si l’inflation est devenue un phénomène mondial à cause de la guerre Russo- Ukrainienne et qui a sérieusement impacté l’économie mondiale, les sanctions cumulées de la CEDEAO et de l’UEMOA plus maintenant celle de la banque mondiale, asphyxieront l’économie malienne. Elles auront également pour conséquences la flambée des prix surtout dans le domaine du   transport, des matières premières, des pièces de rechange, et surtout des denrées de première nécessité. Comme pour dire que des entreprises maliennes iront en faillite, et mettront la clé sous le paillasson, si ce n’est déjà le cas pour un grand nombre d’entre elles. Une autre conséquence serait le chômage de masse des, jeunes et même des adultes ayant perdu leurs emplois et ils seront des potentiels candidats et des proies faciles au recrutement des terroristes cette situation est à prendre au sérieux.

Qu’il soit dit en passant cette situation n’arrange personne à commencer par l’Etat lui-même qui ne sera confronté à d’énormes difficultés comme entre autres la diminution drastique de ses ressources douanières et fiscales et à son inaccessibilité au marché financier sous régional pas d’emprunts auprès de la BOAD , de la BIDC et pas d’émissions de bons du trésor. L’on se rappelle que depuis le coup d’Etat du 18 Août 202., beaucoup de bailleurs bilatéraux ont arrêté d’intervenir au Mali.

En somme, la situation financière du Mali est très critique. Le Mali a besoin aujourd’hui que les sanctions étouffantes des deux organisations ouest-africaines contre lui soient levées, sans plus tarder. Les autorités de la transition doivent agir dans ce sens. Ce n’est plus un choix pour elles mais une obligation pressante.

Assitan DIAKITE

Frontière Mali-Sénégal : Les transporteurs sénégalais agonisent

Plus de 1300 camions sont bloqués au niveau de la frontière, avec plusieurs centaines de milliers de personnes abandonnées à leur sort dans les conditions précaires. Elles vivent dans un dénouement total. Selon un syndicaliste sénégalais : « c’est le Sénégal qui est le premier perdant. Et les pertes sont chiffrables en milliards de nos francs. Aujourd’hui, si on perd ce fret malien qui représente 4 millions de tonnes par an, il faudrait mesurer l’impact. C’est tout un désastre économique qui est en train de s’installer », avertit-il.

Les Transporteurs sont les principales victimes des sanctions que la CEDEAO a infligées au Mali.

Pour ces transporteurs, les décisions politiques prises par la CEDEAO impactent négativement sur leurs activités économiques.

Le Corridor Dakar-Bamako va-t-il en pâtir de la décision de la CEDEAO de fermer les frontières terrestres et aériennes et de l’arrêt de tous les flux et transactions économiques, commerciales et financières entre les autres pays membres et le Mali ? S’il est très tôt de répondre par l’affirmative, on peut cependant nourrir quelques craintes. En effet, la crise politico-sociale malienne survient dans un contexte où les réflexions convergent vers l’élaboration de stratégies de relance des économies et la levée progressive des mesures restrictives, dues au coronavirus. La fermeture des frontières est, sans doute, un sacré coup aux économies de la CEDEAO, particulièrement celle du Sénégal. Ces deux pays ont réussi à bâtir l’un des corridors les plus achevés de l’espace communautaire, un symbole de l’intégration. Au regard de sa position géographique et de la place stratégique du Mali sur la carte des échanges commerciaux du Sénégal, une politique d’isolement constituerait un coup dur pour ces deux économies. Les deux pays n’ont pas fini de panser totalement les maux créés par la pandémie de la Covid-19 et la CEDEAO en rajoute une autre couche.

Le Mali est un partenaire commercial privilégié du Sénégal eu égard au volume des marchandises qui y sont exportées, à la diversité des accords économiques signés entre les deux États depuis plusieurs décennies… Le dynamisme du secteur des transports terrestre et aérien entre les deux pays suffit pour se rendre compte de l’intensité de leurs relations commerciales et économiques. Quid de l’avenir de ces opérateurs, propriétaires de véhicules fret gros porteurs communément appelés « camions ou bus maliens », qui font désormais partie du décor du parc automobile sénégalais ?

Le Mali reste un passage obligé pour la plupart des compagnies aériennes en provenance du Sénégal. Et s’il existe un secteur qui va certainement ressentir les contrecoups de la fermeture des frontières, c’est, bien sûr, le Port autonome de Dakar qui reste un partenaire de premier choix parce qu’étant le lieu de transit de la quasi-totalité des marchandises maliennes. Bref, c’est toute la chaîne d’approvisionnement, de commerce et d’industrie du corridor Dakar-Bamako qui risque de subir les contrecoups de cette décision de la CEDEAO relative à la fermeture des frontières.

La position du Mali dans l’expédition des marchandises sénégalaises est stratégique et une perturbation de cet axe constituerait une réelle menace pour le Sénégal. Si l’on prend exemple sur les exportations du Sénégal, elles sont estimées à 38,6 milliards de FCfa au mois de juin 2020 contre 30,9 milliards au mois de mai de la même année, soit une hausse de 7,7 milliards, selon la dernière note de conjoncture de la Direction de la prévision et des études économiques (Dpee). Elles ont ainsi représenté 24,7 % de la valeur totale des exportations de marchandises du Sénégal durant le mois de juin 2020. S’agissant des produits expédiés, le ciment reste le principal produit exporté vers le Mali. Plonger le Mali dans une autarcie forcée et le suspendre de tous les organes de décision garantit-il un retour rapide à la normale ? Mystère et boule de gomme. Quoi qu’il en soit, il est impératif de trouver des solutions rapides et durables pour sauver les deux économies durement touchées par la Covid-19 et épargner le peuple malien d’une asphyxie.  

Cette décision de l’institution communautaire vient s’ajouter à une situation économique déjà morose et complexe due à la crise sécuritaire et sanitaire qui a frappé de plein fouet l’économie malienne.

M. Yattara

ME KASSOUM TAPO AU SUJET DES SANCTIONS DE LA CEDEAO : « Il n’y a pas de stratégie (…) pour sauver notre économie… »

Des sanctions de la Cedeao à la situation sociopolitique tendue du pays, le président du Mouvement pour la refondation du Mali (Morema), Me Kassoum Tapo, s’est exprimé sur les sujets qui fâchent. L’avocat est apparu sur le plateau de l’émission “En toute liberté” de Djoliba TV comme à son habitude : décontracté. Nous vous proposons un extrait de son intervention. 

Journaliste : il y a eu un chronogramme qui a été proposé à la Cedeao, de 6 mois à 5 ans. Juste après, l’organisation sous-régionale a sanctionné durement le peuple malien.  Des sanctions économiques et financières très sévères. On ne vous a pratiquement pas entendu. La classe politique ne s’est pas prononcée sur les sanctions de la Cedeao. Qu’est-ce qui s’est passé ?

Me Kassoum Tapo : vous voulez qu’on dise quoi ? On n’a jamais applaudi pour ces sanctions. On les a regrettées comme tous les Maliens. Aucun Malien ne peut applaudir et approuver ces sanctions. Au-delà, qui en est responsable ? Ceux qui ont voulu et nous ont amenés à ça, c’est à eux qu’il faut poser la question. C’est eux qui se justifient aujourd’hui sur comment on va s’en sortir. Mais, nous avions dit qu’il fallait éviter qu’on en arrive là. La Cedeao elle-même, il faut savoir reconnaître les choses, ce n’est pas ce que les chefs d’Etat de la Cedeao ont souhaité. Il y a eu combien de sommets avant qu’on arrive aux sanctions ? Donc, si les sanctions arrivent, je pense que ceux qui les ont cherchées et qui veulent braver encore aujourd’hui la communauté internationale doivent en répondre. Qu’est-ce que vous voulez qu’on dise ?

Journaliste : le 14 janvier le peuple malien, à l’appel des autorités de la transition, était justement sorti pour dire non aux sanctions de la Cedeao. Il y avait du monde, c’était la déferlante. Qu’est-ce que vous comprenez  à travers cette mobilisation historique ?

Me Kassoum Tapo : il ne faut pas donner à cette mobilisation le sens qu’elle n’a pas. Pour la première fois de l’histoire politique du Mali, on a appelé à une mobilisation à partir d’un conseil des ministres. Conseil des ministres de la République qui demande à descendre dans la rue. Evidemment, avec la fibre patriotique qui a été mise en jeu, les gens ont répondu.

Je peux vous dire que je n’ai jamais été à une place quelconque en aucune occasion. J’ai fait beaucoup de mouvements estudiantins, oui. Mais responsable politique, je ne suis jamais allé dans la rue. Personne ne m’a vu dans la rue, même pas en mars 1991, à part la marche des avocats. Donc, ce n’est pas la place habituelle que je fréquente ; mais d’esprit, j’étais avec les 4 millions de Maliens. On a dit 4 millions de Maliens, mais d’esprit c’était les 20 millions de Maliens. Les 20 millions de Maliens ont regretté ces sanctions.

Journaliste : Cette grande mobilisation, est-ce que c’est un soutien aux autorités de la transition ou c’est un soutien pour peut-être sortir de la crise ?                  

Me Kassoum Tapo : je crois que c’est une réaction des Maliens, normale et prévisible. Vous savez, le vendredi où la marche a été faite, j’étais dans une mosquée où on nous a invités à regagner la place de l’indépendance. Toutes les mosquées de Bamako (mosquées de vendredi), sans exception,  ont appelé à aller à la place de l’indépendance. C’est le cœur malien qui a répondu. On s’est senti agressé par la Cedeao. Donc quand vous faites face à une agression extérieure, le peuple se mobilise. Cette mobilisation, pour moi, c’est d’abord contre l’agression qu’on a ressentie à travers les sanctions. Et le Mali a réagi à ça. Mais je ne pense pas que c’était un soutien à qui que ce soit.

Journaliste : dès les premières heures de la transition, la classe politique malienne était très bavarde. Vous étiez souvent sur les plateaux pour dénoncer, rappeler à l’organisation des élections. Mais depuis un certain temps on n’a comme l’impression que vous avez baissé la garde. Est-ce pour des raisons stratégiques ou c’est seulement le contexte qui ne s’y prête pas pour vous ?              

Me Kassoum Tapo : Je ne suis pas pour le principe de dire tout le temps tout et n’importe quoi. Ça vous rattrape toujours. Ceux qui étaient dans la rue avant qu’on ne les associe à la transition ont eu tous les mots contre les militaires. Et aujourd’hui, ils sont en train de claironner que c’est la meilleure transition du monde. Mais juste quelques jours avant qu’ils ne viennent aux affaires, ils décriaient cette transition. Moi, depuis le 20 août, est-ce que quelqu’un m’a entendu décrier la transition ? Je n’ai absolument jamais critiqué la transition. Mais, j’ai tout simplement dit qu’il faut respecter la démocratie.  Chaque fois que j’étais sorti, c’était pour défendre des libertés. Quand on a mis des gens injustement en prison, qu’on les a poursuivis, j’ai fait mon travail d’avocat. Mais politiquement est-ce que vous m’avez pas entendu critiquer ou insulter les autorités, les traiter d’illégales ou illégitimes ? Jamais !

Donc, aujourd’hui, il y a une situation qui a surpris tout le monde : les sanctions de la Cedeao et de l’Uemoa. Personne ne s’attendait à une réaction aussi vive. On n’est tous un peu assommés, attristés. Je ne m’en réjouis pas, je ne peux pas le faire. Parce qu’aujourd’hui je vis, ma famille, mes voisins, mes amis, les gens que j’aide tous, je vois comment ils vivent la situation.

Journaliste : Mais les autorités disent qu’elles ont préparé un plan de riposte pour faire face justement à ces sanctions ; que le peuple ne va pas tellement sentir l’effet. Qu’est-ce que vous constatez ?

Me Kassoum Tapo : vous savez, il ne s’agit pas de mettre des tenues camouflées en venant sur la place de l’indépendance pour dire le peuple, le peuple. Ce n’est pas ça !

Aujourd’hui, la réalité sur ce que les Maliens vivent, c’est quoi ? On nous a dit qu’il y a une stratégie pour les 15 années à venir, qui ont été dégagées en si peu de temps par des hommes qui ont participé pendant 30 ans à la vie politique nationale. Aujourd’hui, comme par hasard, en 10 jours ils ont une stratégie pour répondre à ces sanctions.

Journaliste : quand vous parlez de tenue camouflée, vous faites allusion à qui par exemple ?

Me Kassoum Tapo : vous m’avez montré des images, vous les avez vues comme moi. Vous avez parlé d’un sursaut populaire pour sauver le Mali qui est en guerre, etc. Si on met des tenues camouflées comme le Premier ministre éthiopien, on va au front avec des kalachnikovs. Ça, j’aurais compris ! Mais de la place de l’indépendance, on défie la communauté internationale. Et ensuite dire : on a défini des stratégies pour les 15 années à venir. Mais quoi ; qu’est-ce qu’on a fait de concret ? On a eu des opérateurs qui sont venus dire qu’ils vont juguler la crise tout de suite. Ça n’a pas encore commencé la crise. Quelle solution nous a été proposée ? J’ai vu nos autorités se rendre en Mauritanie et en Guinée. Le port de Guinée n’arrive pas à satisfaire les Guinéens, la Mauritanie : la même chose.  Vous croyez que c’est eux qui vont remplacer la Côte d’Ivoire et le Sénégal ? Non !

Journaliste : qu’est-ce que vous allez faire au niveau du Cadre d’échange des partis politiques pour la réussite de la Transition. A un moment vous avez dit clairement qu’à partir du 27 février, date de la fin  normalement de la transition avant la tenue des Assises nationales de Refondation, vous n’alliez pas reconnaître les autorités de la transition. Mais depuis un certain temps on a l’impression que ce n’est plus à l’ordre du jour !       

 Me Kassoum Tapo : Au Cadre, on n’en a jamais fait une fixation. Quand le président a appelé et qu’on s’était rendu compte qu’effectivement on ne pouvait pas faire les élections le 27 février, qu’est-ce qu’on lui a dit : M. le président, appeler tous les Maliens, asseyons-nous, examinons la durée de la transition par rapport au chronogramme électoral. Évaluons le temps perdu et voyons quel délai nécessaire, suffisant, raisonnable il faut pour faire les élections. Parce qu’il était évident pour nous qu’en février on n’aurait pas respecté la date. Mais au lieu de ça, on n’est allé aux Assises pour faire sortir quoi ? On nous a dit que le délai de la transition ne devait même pas faire l’objet de débat. Effectivement, si vous prenez les thématiques, il en avait 13. Il n’y a pas une seule ligne sur le délai de la transition. Mais le résultat c’est quoi ? Le résultat des Assises a été la prolongation de la transition. C’est la seule chose qu’on a retenue. Et d’ailleurs, c’est cela qui a mis le feu aux poudres quand on n’est allé dire à la Cedeao que le peuple malien a décidé cinq (5) ans de transition. C’est cela qui a irrité nos partenaires. Il a de quoi parce qu’à ma connaissance, je n’ai pas participé aux Assises, mais je n’ai pas vu une proposition de cinq (5) ans avec un chronogramme fait par les Assises. On a dit de voir une durée de six (6) mois à cinq (5) ans. Mais si on part dire à la Cedeao : voilà le chronogramme, c’est cinq (5) ans. Alors, ils ont pris ça comme une provocation et ont réagi en conséquence. Mais ce que je veux ajouter, on n’en veut pas à la Cedeao. Mais vous croyez que c’est nous seulement qui souffrons des conséquences de ces sanctions ? Mais l’économie ivoirienne et sénégalaise vont en souffrir. Vous pensez que leurs chefs d’Etat sont des irresponsables ; qu’ils ne savent pas que leurs économies en souffrent et que leurs peuples vont en souffrir aussi ? Vous pensez qu’ils ignorent la souffrance du peuple malien. C’est d’ailleurs pour ça qu’ils ont pris tout ce temps avant les sanctions.

Journaliste : Mais est-ce que nous, nos autorités en ont conscience ; puisque vous dites que les voisins savent, est-ce le cas chez nous ?

Me Kassoum Tapo : on n’en est conscient, puisque j’entends dire que nous sommes des frères, des parents au sein de la Cedeao. Et que c’était un bruit passager. J’espère que le dialogue n’est pas rompu. Je souhaite qu’on dialogue avec  nos partenaires parce qu’on ne peut pas se passer de la Cedeao. Ce n’est pas vrai ! Il n’y a pas de stratégie à court et long terme pour sauver notre économie indépendamment de l’économie des pays de la sous-région et de l’économie mondiale. Parce qu’au-delà de la sous-région, la Bceao participe à l’économie mondiale.

Journaliste : avant de parler des questions de diplomatie, pour l’argument que les autorités de la transition évoquent, le plus souvent, c’est que le contexte sécuritaire ne s’y prête pas pour faire de très bonnes élections. Vous avez organisé vous-mêmes des élections. Est-ce que vous pensez que cet argument tient la route ?

Me Kassoum Tapo : Mais s’il tenait la route on n’allait pas être sanctionné. Ça ne tient pas la route pour une simple raison. Je ne vais pas rappeler les propos des politiques qui sont aux affaires, qui ont dit que la place des militaires se trouve au front. Vous avez entendu combien de fois avant le 24 mai queue la place des militaires était au front et non à Koulouba, dans les bureaux climatisés, et qu’il faut organiser les élections.

Comment voulez-vous, dans le bon sens, que ceux qui sont chargés de la sécurité fassent de la politique ? Le pouvoir politique est issu des urnes, conféré par le peuple à des citoyens politiques qui ont comme boulot de diriger le pays. Ils doivent définir les politiques avec les militaires pour qu’eux, ils assurent la sécurité et non l’inverse.

Journaliste : sauf qu’on a  aussi l’impression que le peuple malien n’est pas tellement pressé pour aller à des élections ?

Me Kassoum Tapo : écoutez, c’est vous qui le dites. Vous savez, le peuple c’est un concept élastique qu’on utilise. On met ce qu’on veut là, dedans. Qui est le peuple ? Quel peuple l’a dit ? Le peuple qui disait avant-hier qu’il faut aller aux élections. Ce n’est pas seulement le Cadre, remémorez-vous des discours et des propos de certains hommes politiques qui ont dit qu’il faut respecter le 27 février. Aujourd’hui, ces sont les mêmes qui viennent nous dire qu’il faut cinq (5) ans.

Journaliste : question de diplomatie ; aujourd’hui, il y a une brouille diplomatique entre le Mali et son partenaire, la France suite à des propos tenus par le ministre des Affaires étrangères, Jean-Yves Le Drian. Le Mali qui est monté au créneau en expulsant l’ambassadeur de France à Bamako. Quelle réaction faites-vous à cette dernière actualité ?

Me Kassoum Tapo : d’abord que ça soit clair pour tout le monde : je ne suis pas Français, je n’ai qu’une seule nationalité.  Je n’ai aucun intérêt particulier pour la France.

Cela étant clarifié, je pense que ces incidents diplomatiques sont absolument inutiles dans un contexte comme ça. On a dit que le ministre français a eu des propos outrageux. Je veux bien, mais il a dit quoi ? Soyons concrets. Alors, décortiquons ce qu’il a dit en deux sens. Autorités illégitimes ; est-ce que c’est le ministre des Affaires étrangères français le premier qui a tenu ces propos ? Vous vous souvenez des gens qui ont dit que le CNT était illégal et illégitime, et qui ont fait un procès pour ça ? Ils ont dit que le gouvernement était composé, à 20 personnes sur 25, des militaires ou les membres de leurs familles. Que le Premier ministre avait été désigné par le militaire ; que c’était un pouvoir illégitime et illégal. On a même repris illégal et illégitime sans littorale à Bambara. Si un Français répète ça, c’est une analyse politique, ce n’est pas une insulte. Le ministre malien a dit dans son communiqué des propos outrageux, pour moi ce n’est pas le cas.

Deuxièmement, il a dit : vous avez pris des mesures irresponsables, c’est le renvoi des troupes danoises. C’est un jugement politique. Demain si la France avait réagi en renvoyant notre ambassadeur ou comme l’extrême droite française est en train de le demander à l’unanimité : renvoyer les Maliens, fermer l’ambassade du Mali, arrêter les flux monétaires vers le Mali, j’aurais dit que c’était des mesures irresponsables. En tant que Malien, je me serais permis de le dire sans insulter personne. Maintenant, si notre ministre a estimé que c’était une insulte, c’est les Maliens qui ont commencé ces injures.

Abdrahamane Baba Kouyaté

EMBARGO DE LA CEDEAO : La Bceao étrangle l’économie malienne

Asphyxier l’économie malienne. Tel semble être l’objectif que vise la Banque centrale des Etats de l’Afrique de l’Ouest (Bceao) qui a décidé de réduire de moitié ses émissions de liquidité aux banques maliennes. Alors que les banques commerciales de l’Union économique et monétaire ouest-africaine (Uemoa) se frottent les mains avec l’octroi de liquidité, celles du Mali broient du noir.

Les banques de l’Uemoa ont une fois de plus renforcé leurs demandes de liquidité auprès de la Banque centrale la semaine dernière. En effet, la 3è injection de liquidité de la Bceao depuis le début de l’année 2022, effectuée ce 17 janvier 2022, s’est accrue de près de 50 milliards F CFA pour s’établir à 3 624 milliards F CFA.

Cette adjudication, comme depuis juin 2020, s’est réalisée au taux d’intérêt fixe de 2% et enregistrant la participation de 93 banques commerciales de l’Union.

 

La répartition de ce montant global de refinancement accordé par la Banque centrale aux établissements de crédit par pays se décompose comme suit : le Bénin demande et obtient 579 milliards F CFA, le Burkina Faso : 439 milliards F CFA, la Côte d’Ivoire : 1 118 milliards F CFA, la Guinée Bissau : 49 milliards F CFA, le Niger : 241 milliards F CFA, le Sénégal : 826 milliards F CFA, le Togo : 163 milliards F CFA.

Quant au Mali, il est le seul pays de l’Union dont les besoins de liquidité des banques commerciales n’ont pas été intégralement couverts en dépit de l’adjudication au taux d’intérêt fixe, certainement en raison des sanctions financières imposées par la Cedeao depuis le 9 janvier dernier. Ainsi, alors que les banques commerciales maliennes souhaitaient être refinancées à hauteur de 445,14 milliards FCFA, ce sont seulement 209,14 milliards FCFA qui ont été retenus par la Bceao.

Une situation qui impacte profondément l’économie malienne. Une option de la banque centrale qui ne vise seulement qu’à asphyxier des populations déjà meurtries par une double crise.

Jean JACQUES