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EXERCICE DEMOCRATIQUE DU POUVOIR : Des acteurs tirent sur «GMT» pour camoufler l’échec de la démocratie à combler les attentes suscitées par son avènement

L’Alliance pour la démocratie au Mali-Parti africain pour la solidarité et la justice (ADEMA-PASJ) a organisé samedi dernier (2 avril 2022) un panel de haut niveau sur les 31 ans de démocratie au Mali. Une très bonne initiative. Il est en effet réconfortant de constater que les acteurs du mouvement démocratique -très divisés ces dernières années par le partage du gâteau, pardon, par la conquête et l’exercice du pouvoir- peuvent encore se retrouver autour du bébé enfanté par leur lutte. Et cela même si certains orateurs sont visiblement passés à côté du sujet en continuant à déverser leur colère voire leur haine sur feu le Général Moussa Traoré (décédé le 15 septembre 2020 à Bamako à 84 ans après avoir dirigé le Mali du 19 novembre 1968 au 26 mars 1991). Visiblement, même mort, le Général continue encore de hanter certains démocrates.

«26 mars 91-26 mars 2022, 31 ans d’exercice démocratique : Où en sommes-nous ?» ! Tel était le thème principal du panel de haut niveau organisé samedi dernier (2 avril 2022) au CICB par le Comité exécutif de l’Adéma-Pasj. Un thème débattu par les principaux acteurs du mouvement démocratique de mars 1991 (Djiguiba Kéita dit PPR, Me Mountaga Tall, Pr. Ali Nouhoum Diallo, Pr. Tiémoko Sangaré, Pr. Bintou Sanankoua, Hadi Niangadou, Modibo Sidibé, Boubacar Alpha Bah dit Bill, Oumar Ibrahim Touré, Fatoumata Konté Doumbia, Pr. Salikou Sanogo; Dr Soumana Sacko, Adama Samassékou, Me Hamidou Diabaté, Tiébilé Dramé, Dr. Oumar Mariko, Mme Sy Kadiatou Sow, Dr. Chérif Cissé, Pr. Moustapha Dicko, Adama Tiémoko Diarra …). Une très bonne initiative avec un thème dont l’énoncé avait suscité beaucoup d’espoir. Sans tomber dans le procès (on voit mal ces acteurs organiser leur propre procès), on espérait un bilan sans complaisance des 31 ans d’exercice démocratique dans notre pays.

«Au lendemain du 26 mars, le pays comptait en tout 48 partis politiques dont seulement 10 avaient des élus. Aujourd’hui, on dénombre plus de 230 partis politiques dont seulement 20 peuvent se faire représenter à l’Assemblée nationale. Cela doit amener à se poser la question sur la pertinence de la classe politique», a pour sa part souligné Adama Tiémoko Diarra, cadre de l’Adéma-Pasj. Pour la battante Mme Sy Kadiatou Sow, cette prolifération des partis politiques est compréhensible dans la mesure où, a-t-elle indiqué, «la politique est considérée par le Malien lambda comme l’ascension sociale la plus rapide…».

Malheureusement, on n’a noté l’absence de la lucidité affichée par Me Tall et de la maturité politique de Mme Sy dans certaines interventions qui ont totalement tourné au règlement de comptes avec le régime de feu le Général Moussa Traoré. Et pourtant, selon le président de l’Adéma, M. Marimantia Diarra, l’objectif du panel était de donner la parole aux anciens du mouvement démocratique de mars 1991 afin qu’ils puissent jeter un regard critique sur ces 31 ans d’exercice démocratique au Mali, notamment évaluer les acquis, noter les insuffisances et dresse les perspectives. Mais, pour les Dr Soumana Sako et Oumar Mariko, ce fut une belle opportunité de régler les comptes.

Toujours hantés par feu le Général Moussa Traoré

Le président de Sadi a déversé sa bile sur le M5-RFP et les jeunes officiers qui ont pris le pouvoir le 18 août 2020 et qui continueraient à perpétuer les pratiques combattues par le mouvement démocratique sous le régime de «GMT» (Général Moussa Traoré». Sauf que le M5-RFP est aussi constitué en grande majorité d’acteurs du mouvement démocratique. Il n’y a alors rien de surprenant, comme l’a si bien reconnu Dr Mariko, que le M5-RFP ait été «frappé par la même maladie que celle de la lutte de 1991, c’est-à-dire que les réclamations du peuple ont été volées par les opportunistes» !

Pour le second, Dr Soumana Sako (ancien ministre des Finances du Général Moussa Traoré et Premier ministre de Transition  du 2 avril 1991 au 9 juin 1992), presque tous les maux que les Maliens reprochent aujourd’hui à la démocratie sont de la faute du régime du défunt Général. D’après lui, c’est Moussa Traoré qui a par exemple détruit l’armée malienne et au moment de l’avènement de la démocratie, il n’y avait même pas d’Etat et il fallait tout reconstruire.

Objectivement, peut-on et doit-on reprocher à feu Moussa Traoré d’être l’auteur de l’affaiblissement de notre outil de défense si l’on sait que pendant son règne l’armée malienne était l’une des plus craintes sur le continent ? Le concept comme «bâtir l’armée de nos besoins» et celui de «pays-frontières» sont de l’ère démocratique, notamment du règne du président Alpha Oumar Konaré. Avec les démocrates au pouvoir, la peur des putsches militaires a pris le dessus sur la raison : comment consolider notre outil de défense en se disant que celui qui veut la paix prépare la guerre ?

Nous pensons que Dr Sako s’est laissé aveuglé par ses ressentiments à l’égard du régime déchu le 26 mars 1991. Il ne s’agissait pas d’un énième procès du défunt président, mais de procéder à une analyse sincère et objective du processus démocratique. Qu’est-ce qui a fonctionné ? Qu’est-ce qui n’a pas fonctionné ? Pourquoi ? Comment rectifier le tir ? Voilà des questions qui devaient orienter les débats.

Un «Dictateur» pourtant dans l’estime de beaucoup de Malien aujourd’hui !

Il est clair qu’on ne peut pas évoquer l’avènement de la démocratie au Mali et passer sous silence le régime de feu le Général Moussa Traoré, notamment la répression de janvier à mars 1991 dont on lui a imputé l’entière responsabilité. Mais, de là à continuer à s’acharner sur lui en évoquant les tares reprochées à la démocratie, il faut vraiment être hanté par le souvenir du «dictateur» que beaucoup de Maliens regrettent pourtant aujourd’hui.

C’est parce que la démocratie était censée nous faire oublier les pratiques dénoncées sous son régime que nous sommes sortis massivement en janvier et mars 1991 pour la revendiquer au prix de nos vies. Elle était supposée mettre fin à la mauvaise gouvernance, à la corruption, à la délinquance financière, à la gabegie, au népotisme, au favoritisme… Hélas, la démocratie a plutôt accentué toutes ses pratiques parce que les nos supposés démocrates ont détourné l’exercice du pouvoir démocratique de son objectif principal : prendre en charge les préoccupations du peuple en privilégiant l’intérêt général ! C’est cet échec à combler ses aspirations légitimes qui a engendré le dépit que les Maliens ont ces dernières années pour leur classe politique. Et il est utopique de vouloir réconcilier les Maliens avec la politique sans une analyse objective des raisons de l’échec permettant à chaque acteur du mouvement démocratique de reconnaître et d’assumer sa part de responsabilité en s’engageant à en tirer tous les enseignements afin de contribuer à la redynamisation du processus démocratique !

Bravo quand même au CE de l’Adéma-Pasj pour cette belle initiative à perpétuer à tout prix parce que de ce genre de débats va un jour jaillir la lumière pour nous guider sur la voie du vrai exercice démocratique du pouvoir au bénéfice du peuple, de la nation !

Moussa Bolly

L’ancien Premier-ministre SOUMEYLOU BOUBEYE MAÏGA a tiré sa révérence : Faut-il célébrer un héros ou un martyr ?

L’homme qui a définitivement déposé les armes a été de tous les combats pour le Mali durant les 40 dernières années. Journaliste de profession, leader politique également,  Soumeylou Boubèye Maïga, SBM a été un acteur majeur dans l’avènement de la démocratie et jusqu’à son dernier souffle il a cru aux idéaux du Mouvement démocratique. Comme tout homme politique de sa trempe, son parcours a été parsemé des véritables prouesses, mais aussi des ratés. Craint par certains pour avoir été responsable des services de renseignements, donc au fait des dossiers les plus sensibles de la République, respecté par d’autres pour avoir servi l’Etat à des hauts niveaux de responsabilité, dont le dernier a été le poste de premier ministre. SBM a été haï par d’autres en lui attribuant une grande part de responsabilité dans la situation chaotique du Mali. Il a été tout simplement un grand commis de l’Etat. Mort en détention sans jugement pour des supposées malversations financières qui ne seront jamais élucidées. La question que l’on est en droit de se poser est celle de savoir s’il faut célébrer un héros ou un martyr ?   

C’est à moins d’une semaine de l’historique, de l’emblématique et de la glorieuse date du 26 mars que l’un des grands acteurs du Mouvement démocratique s’en est allé pour toujours. Soumeylou Boubèye Maïga, puis que c’est de lui qu’il s’agit, a rangé le micro, le stylo et son écharpe à l’effigie de l’ASMA -CFP pour le dernier voyage, laissant ses parents, amis, camarades politiques et même le peuple malien inconsolables. Que faut-il retenir de ce leader politique dont le parcours a été fait des hauts et des bas ?  L’on se rappelle de cette silhouette d’un homme amaigri devant le général Moussa Traoré en train de dépeindre la situation sociopolitique du Mali pour ensuite demander une ouverture démocratique. Il n’était pas donner à tous les cadres de l’époque d’avoir une telle témérité, cette silhouette était celle de SBM. Faut-il rappeler que cette conférence de cadres a été sans nul doute le début de l’ascension politique d’un homme qui a ensuite gravi les échelons après le coup d’Etat du 26 mars 1991. Soumeylou Boubèye Maïga a été tour à tour, Chef de cabinet du Président de la transition d’alors, ATT, membre fondateur de l’Alliance pour la Démocratie au Mali Parti Africain pour la Solidarité et la justice, ADEMA / PASJ. Directeur de la Sécurité d’Etat, SE, ministre de la défense sous Alpha Oumar Konaré.

A la fin du deuxième et dernier mandat constitutionnel de ce dernier il a voulu être le porte étendard de l’ADEMA, battu lors des primaires par feu Soumaila Cissé, SBM accepta sa défaite et a officiellement soutenu le candidat retenu. Mais il ralliera après les élections, le camp du vainqueur ATT ou du moins courtisa ATT en dehors de l’ADEMA. Insatisfait, SBM s’oppose à son parti en 2007 qui a pris fait et cause pour ATT dès le premier tour. Il créera un mouvement politique dénommé ASMA pour soutenir sa candidature à la présidentielle de 2007. Après les élections, il a été exclu de l’ADEMA pour travail fractionnel et non-respect du mot d’ordre du parti, ce qui précipita la naissance de sa formation politique dénommée ASMA CFP. A deux ans de la fin du mandat d’ATT, SBM s’est réconcilié avec lui et devint même son ministre des Affaires étrangères. Avec lui la diplomatie malienne a fait des prouesses.

A quelques encablures de la fin du mandat, le régime ATT a été renversé par un coup d’Etat le 22 mars 2012 et SBM a en tant que ministre du dernier gouvernement a été arrêté par les putschistes avec à leurs tête le Capitaine Amadou Haya Sanogo. Après plusieurs mois de transition, le candidat Ibrahim Boubacar Keita a été élu Président de la République et son allié depuis le premier tour, qui est SBM fait son entrée dans le premier gouvernement en tant que Ministre de la Défense et des anciens combattants. Il quittera ce poste après la visite du premier ministre Moussa Mara à Kidal dont SBM n’a pas pris part pour des raisons de santé, en tant que ministre de la défense. SBM, surnommé le tigre, a connu un petit moment de flottement avant d’être promu ministre secrétaire général de la présidence, pour ensuite être bombardé premier ministre avec comme mission principale la réélection d’IBK pour un second mandat. Cette mission a été accomplie au prix du sang et de la sueur de l’opposition dont les manifestations ont été matées. Les détracteurs de SBM lui reprocheraient d’avoir tripatouillé les résultats de l’élection présidentielle en faveur d’IBK. La lune de miel avec son mentor ne durera pas longtemps car SBM sera débarqué de la primature après plusieurs jours de manifestations contre lui et à la veille d’une motion de censure de sa propre majorité à l’Assemblée Nationale. Humilié et mis à l’écart, SBM n’a pas attendu longtemps pour voir le régime d’IBK s’effondrer également à la suite d’un coup d’Etat le 18 Août 2020.

Pensant se faire une nouvelle santé politique avec la junte dont certains ténors seraient ses jeunes, c’était sans compter sur la détermination des hommes forts à nettoyer les écuries d’Augias des anciens dignitaires du régime IBK. SBM, après une émission débat sur une chaine de télé privée où il a défendu que son dossier sur les achats d’équipements militaires a été classé sans suite par la juridiction compétente, se verra convoquer le lendemain au pôle économique et placé sous mandat de dépôt. Admis dans une clinique de Bamako, son état de santé n’a cessé de se dégrader au point que sa famille avait demandé à l’Etat son évacuation, ce dernier refusa et après trois mois d’hospitalisation il rendit l’âme le lundi 21 mars 2022.

En somme, Soumeylou Boubèye Maïga, dont le parcours politique voire professionnel s’est déroulé en dents de scie, fait de hauts et de bas. Il restera tout de même une icone de la politique malienne. Donc c’est en héros que votre journal l’Alternance lui rend hommage.

Youssouf Sissoko