Oumar MC Koné, chef de la Mare : « La refondation de l’Etat est basée prioritairement sur la sécurité »

Dans une interview accordée à Azalaï Express, le patron de la Mission d’appui à la refondation de l’Etat (Mare), Oumar MC Koné, est revenu sur les grands axes de la refondation que le Mali s’apprête à amorcer avant le retour à l’ordre constitutionnel. Lors de cet échange, il met l’accent sur l’aspect sécuritaire.

Azalaï Express : Quels sont les rapports de la Mare avec le ministère en charge de la Refondation de l’Etat ?

La Mission d’appui à la refondation de l’Etat (Mare) est un instrument institutionnel placé auprès du ministre de la Refondation. Nous sommes spécifiquement chargés d’élaborer tous les avant-projets touchant le fonctionnement des institutions. La Mare est le bras institutionnel du ministre de la Refondation. En plus de cette mission, nous devrions réfléchir, proposer et élaborer des études sur tous les secteurs consolidant la refondation de l’Etat. La troisième tâche est spécifique que le ministre nous demanderait de faire.

Qu’est-ce que la refondation de l’Etat ?

Actuellement, il y a eu une appropriation nationale du terme de la refondation. Mais dans certains cas, des gens nous interpellent toujours. Mais au fait, qu’est-ce qu’il y a dans la refondation ? La refondation est basée sur un axe de rupture avec la mauvaise gouvernance qui se manifeste le plus souvent par la corruption, le clientélisme, le népotisme, etc. qui ont gangrené notre administration. C’est la rupture avec les mauvaises habitudes et ensuite, trouver des nouveaux équilibres à travers les réformes politiques et institutionnelles. Et aussi en travaillant sur le comportement du citoyen malien. Il faudrait que le comportement du citoyen malien change pour quitter le champ de l’incivisme et prendre les préoccupations nationales en main. Et aussi, cette refondation va se faire à travers des pratiques endogènes. C’est-à-dire des valeurs qui ont bien marché chez nous en Afrique, mais que nous avons laissées tomber, sans justification. Et c’est des bonnes valeurs qu’il faudrait ramener dans nos textes, puisque nous avons cette culture. Exemple : au niveau de la sécurité, quand vous allez dans nos villages, vous ne verrez aucune institution de sécurité de l’Etat. Et pourtant, ça fonctionne bien. Quand vous venez, on vous dit d’aller saluer le chef du village qui vous demande votre nom, votre origine, l’objet de la visite et la durée de votre séjour. Il est en train de faire presque une enquête policière. C’est cette notion qui ressort dans les recommandations des ANR (Assises nationales de la refondation) de mettre en place un « Haut conseil des autorités traditionnelles religieuses et coutumières ». Donc, c’est une réappropriation d’une de nos valeurs endogènes. Le cousinage à plaisanterie « le Sinankouya » en est aussi un exemple. La refondation est une reprise de la fondation. Si on ne le fait pas, la maison va s’écrouler. Ça commence dès maintenant et va se quantifier au bout d’une génération.

Quels sont les grands axes de cette refondation ?

C’est un long parcours. Ça commence dès maintenant et finira dans 25 à 30 ans. Les grands axes, prioritairement, c’est basé sur la sécurité. Parce qu’un pays sans sécurité ne peut rien faire. C’est de consolider notre outil de sécurité. Remettre notre « armée nationale » pour dire que rien ne va se décider à l’extérieur. Ce sont les Maliens qui vont dire : ‘’Nous avons besoin de tel type d’armement pour notre armée pour améliorer son fonctionnement’’. Le deuxième axe, c’est bien entendu les réformes politiques et institutionnelles. Parce que notre constitution, certains ne veulent pas qu’on en parle, mais a atteint ses limites. Par exemple, avec le mouvement populaire du M5-RFP (Mouvement du 5 juin-Rassemblement des forces patriotiques) qui a demandé de déchoir l’ancien président de la République Ibrahim Boubacar Keïta. Il faudrait, dans la nouvelle constitution, qu’il y ait un mécanisme pour déchoir un président de la République qui ne fait pas son travail. Que le président de la République prête serment sur sa croyance religieuse. Le musulman sur le « Coran », le chrétien sur la « Bible », etc. Aussi, enlever certaines fortes dispositions dans ses prérogatives, notamment la sélection des membres de la Cour constitutionnelle. Mettre une barrière franche entre l’Assemblée nationale et l’Exécutif. Par ce qu’on dit que la République est basée sur ces trois pieds, soit l’Exécutif, le Parlement et le Judiciaire. Que la justice soit juste et transparente. Que le Malien lambda se sente protégé par sa justice. Ensuite, une gouvernance vertueuse. Cela se traduirait dans la stabilité sociale. Dans cette stabilité sociale, il faut revoir les salaires. Cela va aussi jouer sur les conflits sociaux, notamment les grèves. Il faut respecter les droits de chacun. Il faut harmoniser les salaires et donner un bon salaire, surtout aux Maliens. Revaloriser par exemple les corps comme l’enseignement. Parce que l’enseignement est fondamental dans le fonctionnement et le développement d’un pays. Donner une bonne formation aux enseignants afin qu’ils puissent donner une bonne formation aux élèves et étudiants. On a initié dans le projet de loi électorale qui va se faire sur appel d’offres. Faire un appel d’offres pour les grands postes de l’Etat. Le dernier axe qui correspond plus ou moins au PAG (Programme d’action gouvernemental), c’est quand on a une stabilité de faire les bonnes élections. Et d’ailleurs, l’installation de l’AIG (Autorité indépendante de gestion des élections au Mali) est sur ce plan. Et l’AIG sera décentralisée. La direction nationale à Bamako, avec ses grandes directions. Mais dans chaque région, cercle, commune et dans les zones de résidence des Maliens établis à l’extérieur.  Ce sont les axes forts de la refondation qui touchent tous les secteurs, notamment l’agriculture, la santé, l’éducation, l’urbanisme, la géostratégie. Il faudrait que le Malien décide avec qui il veut installer une coopération. Souvent, on dit dans les textes de diversifier notre coopération militaire. C’est-à-dire qu’aucun pays ne prenne le Mali comme sa chapelle ou sa mosquée. Le Mali sera libre d’orienter sa politique de sécurité comme il veut. Donc, il faut avoir cette indépendance. Mais aussi de façon large, c’est de faciliter aussi dans la géostratégie une diplomatie gagnant-gagnant tournée sur le développement du Mali. Et puis, ne plus accepter le diktat de 20% sur la production d’or. Il faudra que le malien sache qu’il est le troisième producteur d’or dans le monde. Mais aussi nous allons favoriser ce laxisme. Que le Malien n’ait plus de complexe. Nous avons été dans les mêmes écoles que ces Occidentaux et d’ailleurs même, nous leur avons damé le pion. Donc, maintenant le Malien n’a aucun complexe de revendiquer sa position dans la stratégie nationale et internationale. Donc, nous serons libres dans nos coopérations, libres de trouver notre voie de développement, libres de choisir nos amis au niveau de la coopération militaire. C’est des axes forts que le Mali doit consolider et sans complexe.

Certains estiment que les autorités actuelles ne sont pas légitimes pour mener cette refondation. Qu’est-ce que vous pouvez leur répondre ?

Ceux qui disent cela se trompent. On acquiert la légitimité par le peuple et celui-ci a demandé que ces autorités conduisent cette transition. Je me demande comment un autre citoyen d’un autre pays peut qualifier ces autorités d’illégitimes. Nous, on dira que ce monsieur est illégitime de qualifier nos autorités d’illégitimes. Personne au Mali n’a mandaté ce dernier pour traiter nos autorités d’illégitimes. Et pour, certains Maliens qui partagent le même avis, nous connaissons leur position. Mais objectivement, la majorité des Maliens fait confiance à cette Transition. Partant de là, elles ont cette légitimité, allusion faite au rassemblement du 14 janvier dernier. Certains se cachent derrière le concept d’élections qui n’a pas de sens. Les élections, c’est un processus pour consolider la démocratie. Mais les élections à elles seules ne suffisent pas à faire la démocratie. Et d’ailleurs, cela me fait sourire chaque fois qu’on veut pousser les autorités à faire des élections précipitées, alors qu’en 2013, nous avons vu ce que cela a donné.

Réalisée par:
Abdrahamane Baba Kouyaté et Lamine Bagayogo

 

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